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- LES AEROPORTS PARISIENS, ACTEURS DE POIDS DE LA DYNAMIQUE ECONOMIQUE DU TERRITOIRE
Après avoir connu une baisse d’activité lors de la crise sanitaire, les aéroports parisiens ont retrouvé une dynamique de croissance des trafics passagers qui ouvre des perspectives pour l’emploi local. Par Guillaume Ducable Entre janvier et mai 2023, les aéroports parisiens auront accueilli quelque 25 718 514 passagers, soit une progression de +32,6 %, comparé à la même période en 2022. Certes, cette performance ne représente encore que 87,4 % du niveau qui était celui de l’avant-Covid en 2019, mais la dynamique engagée en 2021 se confirme. Le groupe ADP (Aéroports de Paris) estime même que le retour aux performances de 2019 est en ligne de mire et pourrait être atteint en 2024, avant d’être dépassé dès l’année suivante. Après un redémarrage poussif enregistré au 1er trimestre 2022 (58,1 % du trafic de 2019), la plateforme de Paris–Charles-de-Gaulle s’était déjà rapprochée en fin d’année de sa performance d’avant-Covid (84,2 %) alors que l’aéroport d’Orly faisait déjà mieux qu’en 2019 (+105,4 %). Une dynamique liée à la reprise des trafics passagers, même si certaines destinations comme l’Asie, et plus particulièrement la Chine, n’ont toujours pas retrouvé leurs niveaux d’avant-Covid. Un signe positif de reprise essentiel pour ADP comme pour l’ensemble de l’écosystème aéroportuaire parisien qui a été lourdement impacté par la crise sanitaire et ses conséquences sur le trafic de passagers. Le « Grand Roissy », 3e pôle économique derrière La Défense et Paris-Saclay Sur le périmètre du pôle économique du « Grand Roissy », le nombre d’emplois a ainsi chuté de 12 % entre fin 2019 et fin 2021, comme le rappelle Jean-François Benon, directeur général du Comité d’expansion économique du Val-d’Oise (Ceevo). Ce territoire élargi accueille un peu plus de 272 000 emplois qui en font le troisième pôle économique d’Île-de-France derrière La Défense (565 000) et Paris-Saclay (427 000), mais loin devant Plaine Commune (160 000). « La plateforme Paris–Charles-de-Gaulle comptait à elle seule 84 480 emplois fin 2022 contre 94 000 en 2019 », explique le directeur du Ceevo. Dans le détail, la baisse s’est fait sentir dès la fin 2020 (88 000) pour atteindre un point bas un an plus tard (82 000). « Et, depuis, on est remonté jusqu’à 86 000 emplois fin 2022. » Des chiffres qui soulignent l’importance des activités aéroportuaires pour le territoire « avec un pôle qui dépasse les limites du Val-d’Oise et qui s’inscrit davantage dans une logique de Grand Roissy », reconnaît Jean-François Benon. L’enjeu, alors que la reprise des trafics est là, est désormais de s’assurer queles conditions sont bien réunies afin que les acteurs économiques en lien avec le domaine aéroportuaire trouvent les conditions de leur développement. Comme le groupe de logistique Fedex, qui exploite depuis 1999 un hub à Roissy CDG ainsi qu’un second à Parisud et qui emploie à lui seul un peu plus de 2 600 salariés. « Il s’agit d’un employeur majeur qui crée tous les ans entre 200 et 400 emplois », assure Jean-François Benon. Une dynamique de reprise fragilisée par l’« avion-bashing » Après le trou d’air de 2021, l’emploi sur la plateforme du « Grand Roissy » est reparti à la hausse pour afficher, fin 2022, une progression de +5,3 %. Mais cette belle dynamique reste fragile et les acteurs parisiens de l’aéroportuaire craignent qu’elle ne soit enrayée par des phénomènes exogènes que beaucoup pointent sous le vocable d’« avion-bashing ». Un comportement qui tend à stigmatiser des activités accusées d’être fortement émettrices de CO₂ – le transport aérien est réputé représenter 3 % des émissions au niveau mondial – et qui fait de la réduction des trafics aériens une question de principe. Une solution qui, si elle était retenue, aurait un impact fort sur l’attractivité de la Capitale. En 2020, Paris et l’Île-de-France ont été davantage touchées que d’autres territoires par le repli brutalde l’activité liée au tourisme, à l’événementiel ou encore au tourisme d’affaires qui sont une composante très forte de l’économie locale. Une conjoncture qui a alors fortement impacté l’emploi dans les plateformes aéroportuaires d’Île-de-France. Premier employeur privé d‘Île-de-France avec près de 40 000 emplois (30 000 sur Roissy CDG et 7 000 sur Orly), la compagnie Air France a enregistré près de 8 000 départs volontaires en lien avec la crise du Covid. Avant 2019, l’activité de la compagnie générait plus de 230 000 emplois directs, indirects et induits sur le territoire et représentait plus de 3 % du PIB de la région Île-de-France. Soit 1,6 milliard de recettes fiscales et 1,8 milliard d’achats réalisés auprès d’acteurs économiques de la région. Roissy CDG, un hub synonyme d’attractivité En 2023, le groupe affiche une nouvelle dynamique d’embauches et prévoit près de 4 000 recrutements d’ici la fin de l’année. Une activité tirée par la progression des trafics passagers, notamment sur son hub de Roissy CDG qui offre une gamme de correspondances et attire les trafics internationaux depuis et vers Paris. En moyenne, près de la moitié des clients de la compagnie accueillis à Roissy CDG sont en transit pour prendre un vol long-courrier. Une offre rendue possible par l’attractivité de la destination « Paris ». L’enjeu est donc crucial pour le Groupe Air France qui réalise la moitié de son chiffre d’affaires à l’international, mais dont 90 % des emplois sont locaux, que ce soit sur la plateforme de Roissy CDG (Air France) ou bien à Orly (Transavia). Sans compter qu’en parallèle de son activité de transporteur de passagers et de cargo, Air France est aussi présent dans le domaine de la maintenance aéronautique à travers Air France Industries et ses quelque 7 500 emplois industriels localisés pour l’essentiel dans le périmètre du Grand Paris. Une activité pour le compte de sa propre flotte, mais également pour plus de 200 compagnies clientes. Renouvellement de flotte, SAF et éco-pilotage au menu d’Air France Les compagnies aériennes sont mobilisées pour réduire au plus vite l’impact de leurs activités. La décarbonation est une priorité d’Air France. Le premier levier d’action consiste donc à renouveler les flottes, ce qu’Air France a entrepris en engageant plus d’1,5 milliard d’euros chaque année pour disposer, à l’issue de la décennie, de 70 % d’avions de nouvelle génération comme les A220 et les A350. Transavia vapasser de son côté d’une flotte 100 % Boeing à une flotte 100 % Airbus, avec des appareils de la famille A320neo qui consomment moins que leurs prédécesseurs et réduisent l’empreinte sonore de 50 % ! L’autre voie de marge de progression se joue du côté des SAF, des carburants durables dont la filière se structure en France et notamment en Île-de-France. En 2022, le Groupe Air France-KLM était déjà le premier acheteur de SAF au monde. Enfin, Air France travaille déjà sur le terrain de « l’éco-pilotage », technique de vol qui vise à affiner les trajectoires ainsi que les déplacements au sol des avions, pour réduire les émissions de CO2 et les nuisances sonores. Autant de chemins d’amélioration quela compagnie, qui revendique son ancrage local, met en œuvre afin de démontrer qu’il existe un chemin équilibré pour limiter les nuisances tout en préservant les atouts d’une connectivité aérienne de grande qualité.
- « Le Grand Paris remodèle le paysage immobilier » : Philippe Jung
Philippe Jung, directeur général de Demathieu Bard Immobilier, membre du directoire de Demathieu Bard, décrit comment l’ouverture prochaine du réseau du Grand Paris Express donne une dynamique nouvelle à nombre de ses programmes immobiliers. Quelles sont vos activités dans le Grand Paris ? Historiquement, notre premier métier est le génie civil, qui a 160 ans d’histoire. Notre second métier est le bâtiment, exercé depuis une trentaine d’années. Enfin notre troisième métier, l’immobilier, est le plus récent et date d’une dizaine d’années. Notre métier historique, le génie civil, nous vaut d’être très présents dans les projets emblématiques du Grand Paris : nous réalisons ainsi différents tronçons de plusieurs lignes du Grand Paris Express, de même que cinq gares. Nous œuvrons également sur le prolongement d’Eole à l’ouest. Le Groupe est très présent en île-de-France dans ses différents métiers, et cette région concentre la moitié de notre activité immobilière. Qu’est-ce qui constitue l’ADN du groupe ? Nous sommes une entreprise à taille humaine, à l’écoute de l’ensemble de ses parties prenantes. Nous veillons à adapter nos programmes à la problématique du site, de la population et des attentes de la collectivité, pour développer des produits qui s’intégreront au mieux dans leur environnement. Constatez-vous un effet Grand Paris sur vos programmes ? Un de nos plus grands projets en cours est Le Central, nouveau quartier mixte du campus Paris Saclay à Palaiseau, que nous développons avec Sogeprom, Pitch et Immobilière 3F. Ce futur quartier, de plus de 60 000 m2, dont 45 000 m2 de logements, est un projet très lié à celui du Grand Paris, à l’arrivée de la ligne 18 en particulier, qui sera aérienne à cet endroit. Nos acquéreurs voient donc très facilement où sera située la gare, à quelque 150 m de chez eux. Ce qui constitue un atout commercial extrêmement important. À Clichy-sous-Bois, nous réalisons un programme situé également à quelques centaines de mètres de la future gare de la ligne 16. La possibilité d’acquérir un appartement à quelques minutes à pied du métro automatique, à un peu plus de 3 000 euros du m2, représente clairement une attractivité nouvelle pour ce quartier. Chevilly-Larue, où nous avons une partie de nos bureaux, bénéficiera pleinement de l’arrivée de la ligne 14 annoncée avant les Jeux olympiques. Pour autant, cela ne résout pas tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés. À quelles difficultés faites-vous allusion ? Contrairement à ce que semblent parfois croire les élus, il ne suffira pas d’être situé à côté d’une gare du Grand Paris Express pour créer un marché et permettre la création d’un pôle tertiaire atteignant une masse critique. Les biens recherchés doivent conjuguer une bonne attractivité pour les salariés et des loyers maîtrisés. Vous intervenez aussi dans la cadre des Jeux olympiques. Oui, Paris 2024 est un élément fort de développement du Grand Paris. Nous réalisons sur le Village des médias, à Dugny, 900 logements dans une conception de « cité-jardin du XXIe siècle », en copromotion avec Sogeprom. Ce programme a été l’occasion de mettre en œuvre des innovations parmi lesquelles des dalles bois-béton, qui cumulent les avantages des deux matériaux. Comment contribuez-vous à la transition énergétique et écologique de l’Île-de-France ? Notre logique consiste à utiliser le bon matériau au bon endroit. Les bétons bas-carbone voient leur empreinte carbone divisée par quatre par rapport à ce qu’elle était il y trois ou quatre ans. Nous construisons aussi en bois. Notre souci de l’efficacité nous conduit souvent à mixer différents matériaux. Nous avons mis en place une direction à cheval entre la construction et l’immobilier, qui est la direction de l’Innovation technique, à l’affut de toutes les innovations qui se développent actuellement. La période actuelle nous pousse à travailler toujours davantage pour atteindre une forme d’excellence dans notre offre.
- LE SDRIF-E DOIT CONCILIER LE ZAN ET LE MAINTIEN DE POLES DE DEVELOPPEMENT
Jean-Philippe Dugoin-Clément décrit les enjeux et le calendrier du futur schéma directeur de la région Île-de-France environnemental (Sdrif-e). Alors que ce document stratégique va réduire le rythme et la superficie de l’artificialisation des terres, le vice-président du Conseil régional en charge de l’aménagement insiste sur l’importance de la concertation avec les collectivités et l’ensemble des parties prenantes pour identifier au mieux les zones de développement futures. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un Sdrif-e ? Le schéma directeur de la région Île-de-France environnemental (Sdrif-e) réglemente l’intégralité de l’aménagement et de l’urbanisme sur le territoire de la région Île-de-France. Il dit où l’on construit, où l’on ne construit pas, où l’on bâtit des infrastructures de transport, où se situent les réserves agricoles, industrielles, de préservation de la biodiversité ou des forêts… Il possède une puissance normative. Ce qui signifie que tous les documents infrarégionaux doivent être compatibles avec lui. J’ajouterai qu’il s’agit d’un document très encadré par la loi, validé en Conseil d’État. Comportera-t-il des cartes thématisées ? Nous avons travaillé sur plusieurs documents, thématisés, et non sur une seule et même carte générale. Les problématiques environnementales ou économiques méritent d’être traitées spécifiquement, pour une question de lisibilité, mais aussi d’impact. Rappelons que ces cartes comprennent des pastillages, des continuités, des jonctions, des zones agricoles, de protection naturelle, de risques de crue. Quel est le degré d’opposabilité du Sdrif-e ? Un SCoT ou un PLU ne peuvent pas être incompatibles avec le Sdrif-e. Par exemple, le SCoT d’une agglomération qui ne respecterait pas les objectifs fixés par le Sdrif-e ne résisterait pas à un recours contentieux. Quelle sera la portée de ses orientations réglementaires ? On en compte au final 148. Elles définissent, point par point, ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Autorise-t-on, ou pas, les zones commerciales de plus de 10 000 m2 ? Impose-t-on, sur un nouveau quartier qui se crée en extension urbaine, une densité minimale ? Autorise-t-on encore des parkings totalement à plat, sans production d’énergie, sans désimperméabilisation ou sans utiliser la hauteur, en construisant des parkings en silo ? Quelles seront les orientations du Sdrif-e en matière de non-artificialisation ? Le Sdrif-e réduira de 20 % par décennie la consommation de terres naturelles par rapport à ce qui se faisait jusqu’à présent pour atteindre l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette) en 2050, comme l’impose la loi. L’Île-de-France est particulièrement vertueuse du point de vue de la consommation d’espace car elle s’est construite de manière très dense et donc peu artificialisée. La petite couronne est l’espace urbain le plus dense d’Europe. Quels sont ses autres objectifs ? Il doit aboutir non seulement à une région appliquant le principe du ZAN, mais aussi du ZEN, comme zéro émission nette, c’est-à-dire être une région décarbonée, luttant contre le changement climatique, assurant la transformation du bâti, celle de l’industrie, de l’énergie ainsi que la renaturation. Le Sdrif-e doit conduire également à une région circulaire, « zéro déchet », qui réemploie, qui réutilise, qui soit plus sobre, moins dépendante aussi, puisque 80 % des matériaux utilisés en Île-de-France sont importés. Nous sommes la région qui porte l’économie du pays, avec 31 % du PIB national. Pour autant, notre écosystème économique est fragile parce que dépendant trop de l’extérieur. Quelle a été la concertation dans le cadre de l’élaboration du Sdrif-e ? Avec Valérie Pécresse, nous avons tenu à être au plus près des territoires, des acteurs associatifs et économiques. Un travail considérable a été effectué depuis novembre 2021 avec les départements, l’ensemble des communes et de leurs intercommunalités, les associations d’élus, les chambres consulaires, les établissements publics d’aménagement, le Conseil économique social et environnemental régional (Ceser) et, bien sûr, les Franciliens eux-mêmes. La concertation s’est tenue à plusieurs niveaux. La première, menée au titre du code de l’urbanisme, a été entamée l’été dernier et s’achèvera en juillet, avec la présentation de notre projet de Sdrif-e à tous les conseillers régionaux. Il s’agit là d’une concertation qui permet à l’ensemble des acteurs, particuliers, associations, collectivités, entreprises, fédérations professionnelles, de contribuer, d’exprimer leurs lignes rouges. Plus de 5 000 contributions ont été recueillies sur la plateforme citoyenne que nous avons créée. Par ailleurs, nous avons mis en place un Comité des partenaires et une Conférence des territoires franciliens qui s’est déjà réunie cinq fois. Y siègent l’ensemble des personnes publiques associées (PPA), soit tous les niveaux de collectivités et un certain nombre d’acteurs institutionnels qui ont ainsi pu travailler avec nous sur des thématiques particulières : protection environnementale, développement économique, crise du logement, etc. Une autre concertation a eu lieu au titre du code de l’environnement, sur une période de trois mois, soit la durée maximum prévue par les textes. Elle s’est achevée le 16 décembre et a été encadrée par la Commission nationale du débat public (CNDP). Une quarantaine de réunions publiques se sont tenues dans ce cadre, un bus a sillonné la région, avec une cinquantaine d’arrêts. Un panel de 100 citoyens, représentatif du territoire régional, a été constitué ; il s’est réuni à plusieurs reprises sur une journée sous l’égide de l’Institut Paris Region. Nous avons reçu un satisfecit de la part des deux garants de la CNDP, qui ont remis un rapport très positif sur la façon dont cette concertation a été menée. Enfin, à chaque étape clef de l’élaboration du Sdrif-e, l’État – via le préfet de Région et ses services – a été associé à nos travaux à l’occasion de comités techniques et de pilotage. Le dialogue a donc été constant. Le Sdrif-e fixe-t-il des objectifs territorialisés de construction de logements ? Ce sera le rôle du SRHH (schéma régional de l’habitat et de l’hébergement), établi par le CRHH (comité régional de l’habitat et de l’hébergement), co-présidé par l’État et la Région. Ce document doit répondre à l’exigence de la loi relative au Grand Paris, qui fixe un objectif de construction de 70 000 logements par an en Île-de-France. C’est au SRHH que revient de fixer la territorialisation de ces objectifs de construction par agglomération. Le Sdrif-e n’a pas vocation, selon nous, à se substituer à une instance collégiale rassemblant la Région et l’État. Même si le Sdrif-e contiendra des objectifs ambitieux sur la question du logement pour tous, notamment. Pourquoi insistez-vous sur l’importance du travail de concertation mené en amont ? Le Sdrif-e doit marcher sur ses deux jambes : l’une impose, l’autre propose. Le Sdrif-e comprend des interdictions et il ouvre des droits. Si le bloc communal qui gère le droit du sol ne veut pas se saisir de ces opportunités, il restera unijambiste. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons passé une année à travailler avec les départements, les agglomérations et les communes, pour co-construire une ambition régionale partagée. Ce document fera l’objet d’une enquête publique au cours de l’hiver 2023-2024 et il sera soumis au vote définitif du Conseil régional à l’été 2024, avant l’approbation du Conseil d’État.
- « Nous contribuons à la mutation de la ville et l’aidons à s’adapter aux enjeux de demain » : APSYS
François Agache, directeur général développement et opérations d’Apsys, explique les ambitions de la foncière, qui entend jouer pleinement son rôle d’acteur urbain au service des territoires et des nouveaux usages. Pour quelles raisons Apsys a-t-elle souhaité se doter d’une raison d’être ? Entreprise familiale créée en 1996, Apsys a voulu rappeler ce qui nous définit depuis notre création, l’ambition et la vision qui nous portent, et que nous mettons au service des territoires et de leurs habitants pour créer des lieux de vie plus ouverts, plus inclusifs, plus écologiques. C’est ce que nous avons défini collectivement au travers de notre raison d’être : sublimer la ville pour rendre la vie de tous plus belle. Comment cela se concrétise-t-il sur le terrain ? Notre rôle en tant que promoteur est de construire le patrimoine de demain dans une ville qui doit elle-même s’adapter aux enjeux actuels et futurs pour être viable et vivable. C’est le cas de tous nos projets, qui prennent le parti de faire avec le déjà-là, en restructurant ou en préservant une architecture existante, mais aussi en la faisant évoluer pour s’ouvrir sur la ville et ses habitants, devenir une destination multimodale tout en y intégrant des critères environnementaux exigeants qui permettent, par exemple, de combattre le phénomène d’îlots de chaleur urbains. Pour construire cette ville résiliente et généreuse, la mobilité est également un enjeu clé et nos projets y répondent parfaitement par leur connectivité et leur accessibilité. Quelle méthodologie appliquez-vous pour y parvenir ? L’approche d’Apsys privilégie le sur-mesure, le cousu-main et le développement de projets conçus en partenariat avec les territoires et leurs représentants (élus, aménageurs, acteurs économiques, associations, etc.) afin de s’assurer que l’opération trouvera immédiatement et de façon durable sa place dans l’écosystème local. C’est pour cela que chacun de nos projets est unique et non duplicable. Sur quels projets mettez-vous en œuvre ces pratiques ? À Paris, nous travaillons actuellement à la transformation de Vill’up, localisé au cœur de l’écosystème de La Villette et qui deviendra Boom Boom Villette (BBV) : le plus grand Food & Leisure Market de Paris. BBV, qui ouvrira à l’automne 2023, capitalise sur la restauration et les loisirs pour devenir un lieu d’événements culturels capable de rayonner au-delà de l’arrondissement. Deuxième grand projet parisien, la restructuration du siège de l’AP-HP menée en partenariat avec BNP Paribas Real Estate et RATP Solutions Ville. Notre objectif est de transformer ce patrimoine haussmannien en premier « immeuble à mission » de Paris pour créer une nouvelle urbanité plus hospitalière avec une programmation mixte sociale et solidaire comprenant des logements à dominante sociale, des bureaux et des activités accessibles au public. Grâce à l’ouverture des cours au public et à l’animation du socle sur les rues par des commerces solidaires, le projet permettra à tous de se réapproprier ces deux immeubles porteurs d’une histoire plus que centenaire.
- L’AMENAGEMENT EN PLEINE REINVENTION
Mise en œuvre du zéro artificialisation nette des sols, le fameux ZAN, révision du schéma directeur de la Région Île-de-Franc environnemental (Sdrif-e) et du plan local d’urbanisme (PLU) de la Ville de Paris… L’aménagement urbain du Grand Paris change totalement de paradigme pour adapter le territoire au dérèglement climatique et aux nouvelles aspirations des habitants. Par Fabienne Proux La physionomie du Grand Paris va sensiblement se métamorphoser au cours de la prochaine décennie. Une évolution dictée tant par la mise en œuvre de réglementations exigeantes pour réussir l’indispensable adaptation du territoire au dérèglement climatique et atteindre la neutralité carbone en 2050 que par l’appétence des Franciliens pour des modes de vie plus doux et en phase avec la nature. C’est dans ce contexte que la Région et la Ville de Paris révisent leurs documents d’urbanisme qui doivent être opérationnels fin 2024. En effet, le nouveau schéma directeur de la Région Île-de-France environnemental (Sdrif-e) s’inscrit dans la trajectoire du zéro artificialisation nette des sols (ZAN). Il vise à diviser par trois la consommation foncière, à 560 ha par an, là où le précédent Sdrif autorisait 1 315 ha d’artificialisation chaque année. À Paris, les nouvelles règles prévues par le PLU bioclimatique vont répondre à l’urgence d’adapter la ville, pour y vivre, aux changements de température et à celle de pouvoir se loger à des prix abordables. Les objectifs de l’exécutif sont, entre autres, de favoriser la mixité fonctionnelle, réduire la place du burea au profit du logement, surtout social, protéger les arbres et les espaces verts, et d’imposer les règles de surcompensation... Si Paris a inventé la « ville du quart d’heure », le Sdrif-e s’inscrit dans la perspective de la « région des 20 minutes » qui vise à favoriser la mixité fonctionnelle pour réduire les distances domicile-travail et les trajets pendulaires qui l’accompagnent, et garantir à chaque Francilien l’accès à un parc en moins de dix minutes. Vers un « aménagement sobre, résilient et inclusif » L’aménagement urbain se trouve donc face à un nouveau paradigme. Exit l’étalement urbain, la mono-fonctionnalité des quartiers, les macro-lots, la bétonnisation créant des îlots de chaleur pour laisser la place au recyclage urbain, à la mixité sociale, fonctionnelle et générationnelle, à la construction bas carbone et la renaturation de la ville. C’est tout le métier d’aménageur qui doit donc se réinventer pour aller « dans le sens d’un aménagement sobre, résilient et inclusif », résume Jean-Philippe Dugoin-Clément. « Il faut désormais créer des lieux de vie globale, qui satisfont les besoins de logements, de services, d’équipements, d’emplois, d’espaces naturels et de loisirs », détaille le président de Grand Paris Aménagement (GPA). « L’aménagement urbain doit donc évoluer pour concevoir une ville vivable et avenante », renchérit Christophe Richard, directeur général de Sadev 94, soit « traiter la diversité, les espaces publics et extérieurs, végétaliser pour aller vers des systèmes rafraîchis. » Si le constat et les objectifs font bien évidemment consensus, reste à trouver la ou les bonnes méthodes pour les atteindre. Emmanuel Desmaizières, directeur d’Icade Promotion, en convient : « Le sujet majeur qui fait évoluer l’aménagement est la transition écologique. » Ce qui implique pour les aménageurs d’être tout à la fois innovants et agiles. Mais aussi d’apprendre à faire des projets plus petits, « de passer du grand foncier à l’intervention à l’adresse », explique Soraya Hamrioui, directrice générale adjointe à l’aménagement chez Grand Paris Aménagement, « de faire avec l’existant, de fonctionner à la bonne échelle », soit celle de la ville du quart d’heure. Les enjeux les plus importants de transformation se trouvent, selon Emmanuel Desmaizières, dans le Grand Paris : « Quand on croise les enjeux d’économie du territoire avec le ZAN et la lutte contre l’étalement urbain, et ceux de l’économie de la matière avec la construction bas carbone, c’est dans les grandes opérations structurantes du Grand Paris que l’on est le plus en avance. » Il cite, entre autres, le Village olympique à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) pour lequel le promoteur et aménageur urbain réalise en partenariat avec la Caisse des dépôts (sa maison mère) et CDC Habitat un macro-lot de plus de 50 000 m2. Celui-ci se présente comme « emblématique de la transformation du territoire », proposant un parcours résidentiel complet associé à une grande diversité d’activités, mais aussi « la vitrine du savoir-faire français en matière d’ambitions environnementales ». Renchérissement des prix des friches Mais outre la construction bas carbone, refaire la ville sur elle-même, pour ne plus urbaniser de nouveaux sols comme l’impose le ZAN, devient aussi la règle. « Avec le ZAN, nous allons en effet être confrontés à un phénomène de repli sur l’espace disponible, qui risque d’entraîner un renchérissement des prix des friches en cœur de ville et un impératif d’augmentation de la densité – loin d’être acceptée par les populations », convient de son côté Nicolas Gravit, directeur général d’Eiffage Aménagement, rappelant qu’il reste malgré tout « possible de travailler parfois à une extension urbaine régulée et positive, qui intègre impérativement les besoins de mobilité et d’équipements publics ». Cependant, le problème du recyclage urbain, appelé à monter en puissance (de 12 % en 2022 à 20 % en 2025 comme le prévoit l’EPF Île-de-France), réside dans les surcoûts qu’il engendre pour, d’une part, acquérir ces fonciers plus coûteux et, d’autre part, les dépolluer et, dans certains cas, financer des déconstructions partielles ou totales. « Il est vrai que nous faisons face à des obligations réglementaires et des contraintes qui font augmenter le coût de fabrication de l’aménagement », souligne Nicolas Gravit. Il convient donc de trouver aussi de nouveaux modèles économiques, mais également de territorialiser le ZAN qui ne peut, d’après Christophe Richard, avoir les mêmes objectifs en secteurs denses ou moins denses : « Je doute de la pertinence de l’approche du ZAN dans les secteurs d’intervention très urbanisés de Sadev 94 », indique-t-il, invitant à « s’intéresser aux raisons pour lesquelles on souhaite désartificialiser », soit « créer des îlots de fraîcheur, réimperméabiliser les sols et assurer la biodiversité ». Atteindre la « densité heureuse » Dès lors, bien que récurrente, la question du rapport à la densité se pose encore davantage aujourd’hui dans le Grand Paris. « Si on veut libérer des sols, réduire le temps de transport, maintenir des activités en ville, nous n’avons pas d’autre choix que de construire dense », assure Christophe Richard. Reste à donner la perspective que la ville dense peut être agréable, ce qui suppose de s’intéresser à l’implantation des bâtiments, à l’occupation des pieds d’immeubles pour qu’ils soient polyvalents, à la création d’espaces publics dynamiques, à l’instar de ce que réalise Sadev 94, avec UapS, sur l’opération Ivry Confluences à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Mais pour Emmanuel Desmaizières, « le ZAN est une contrainte que l’on peut transformer en opportunité ». Certes, l’aménagement en est plus compliqué et requiert une expertise plus forte, tant en interne qu’en recourant à des ressources extérieures, tels des écologues, mais le directeur d’Icade Promotion est convaincu qu’il faut « arriver à produire des quartiers mixtes avec une densité heureuse qui permet à la fois de traiter le besoin en nombre et en qualité de vie, et la place de la nature très importante y compris à l’échelle de l’immeuble », tout en veillant à ce que « le geste architectural rende aussi la ville attractive d’un point de vue esthétique ». Reste à en convaincre l’ensemble des parties prenantes, des élus à leurs administrés.
- Du beau et qualitatif au beau, qualitatif et soutenable : Cyril Despres
« Avant, il fallait du beau et du qualitatif ; aujourd’hui, il faut du beau, du qualitatif et du soutenable » VINCI Immobilier a réussi à diviser par deux, en deux ans, son taux d’artificialisation net des sols. Le Village des athlètes à Saint-Denis sert notamment de laboratoire à l’une des majors de la promotion immobilière en France. Cyril Despres, directeur territorial, chargé du Village des athlètes et des projets de transformation urbaine en Île-de-France, présente les innovations et divers outils mis en œuvre pour atteindre avec 20 ans d’avance la neutralité foncière. Quelles sont les ambitions de VINCI Immobilier Promotion en matière environnementale ? VINCI Immobilier s’est fixé comme objectif, début 2022, d’atteindre le ZAN (zéro artificialisation nette) dès 2030, alors que la loi climat et résilience a fixé l’échéance à 2050. Pour ce faire, nous nous concentrons sur les opérations de recyclage urbain, soit les fonciers gris déjà construits et que l’on démolit puis reconstruit ou que l’on transforme, notamment sur le gisement des actifs tertiaires obsolètes. Quel bilan tirez-vous de cette démarche depuis un an et demi ? Un bilan plutôt satisfaisant puisque notre taux d’artificialisation est passé de 13 % en 2020 à 6 % en 2022. Nous avons fixé des objectifs internes que nous arrivons à quantifier grâce à la création d’une calculette ZAN utilisée pour évaluer la faisabilité de chaque projet. S’il ne respecte pas notre ambition de neutralité foncière et qu’il porte atteinte à cet objectif de développement de la biodiversité, il est écarté du comité d’engagement. Certains programmes sont soit réajustés, soit totalement abandonnés. La compensation entre régions permet également d’être un peu au-dessus du taux d’artificialisation dans certaines régions et en-dessous dans d’autres, notamment en l’Île-de-France, et ainsi d’atteindre au niveau national la neutralité. Enfin, nous négocions également avec les élus pour construire plus haut, avec moins d’emprise au sol. Ou de transformer des actifs de bureaux désuets et vacants en logements dans une perspective de reconstruction de la ville sur la ville. Quels autres outils utilisez-vous ? La péréquation entre opérations, comme c’est le cas avec l’acquisition, en 2019, de 50 terrains industriels pollués ayant appartenu à Engie. Sur ces sites, certaines opérations sont à charges foncières négatives et d’autres à charges foncières positives. Nous arrivons à atteindre l’équilibre global à l’intérieur d’un portefeuille en faisant une moyenne entre les deux. Enfin, pour challenger nos prospecteurs, nous attribuons une prime aux développeurs fonciers qui atteignent ces objectifs de recyclage urbain. Mais, même sans ce levier, cette orientation a donné un élan fédérateur aux collaborateurs qui sont fiers de cette stratégie, compte tenu de leurs préoccupations sociétales et environnementales. Comment comptez-vous passer d’un taux d’artificialisation net des sols de 6 % à 0 % ? Nous avons fait une partie du chemin, mais nous ne crions pas victoire : la trajectoire pour arriver à zéro ne sera pas linéaire et nous savons que les « derniers mètres » seront les plus difficiles. Nous travaillons sur l’amélioration continue, notamment avec le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) pour pouvoir encore mieux mesurer l’artificialisation et la désartificialisation d’un site. VINCI Immobilier parraine un groupe de travail à l’OID (Observatoire de l’immobilier durable) et travaille avec la Fabrique de la cité de manière à partager son expertise avec d’autres acteurs du secteur. Par ailleurs, les actions de formation ont beaucoup progressé en interne : plusieurs centaines de collaborateurs vont être formés sur les actions de réhabilitation. Le sujet est d’autant plus complexe que l’on avance à la fois sur la désartificialisation et les performances environnementales des bâtiments qu’il faut parfois intégrer à la réhabilitation de bâti existant. Le Village des athlètes à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est à ce titre un vrai démonstrateur de la façon dont VINCI Immobilier travaille sur les sujets du ZAN et des diverses réglementations environnementales. En quoi consiste ce projet ? Implanté sur une friche industrielle de 6 hectares, le site du projet Universeine a dû être intégralement désartificialisé et dépollué. Et 1,3 hectare a été revégétalisé. Les bâtiments ont été détruits à l’exception de la Halle Maxwell. C’est aussi un projet précurseur en termes de décarbonation de la construction puisque le bilan carbone de l’ensemble des bâtiments a été réduit de 40 % par rapport aux constructions conventionnelles. Les immeubles sont réversibles et 75 % de ce que l’on déposera à l’issue de l’événement sportif (cloisons, salles de bain provisoires) sera soit recyclé, soit réemployé sur d’autres chantiers. Pour réussir un projet comme celui du Village des athlètes mais aussi d’autres tout aussi ambitieux, il faut travailler en partenariat avec les collectivités locales qui peuvent avoir une appréhension vis-à-vis de certains sujets comme les surhauteurs, la décarbonation et la réhabilitation. Avant, il fallait du beau et du qualitatif ; aujourd’hui, il faut du beau, du qualitatif et du soutenable.
- IL FAUT EMBARQUER DAVANTAGE LES HABITANTS DANS LA CONSTRUCTION DU GRAND PARIS !
Chloé Morin et Marie Le Vern, co-fondatrices de Societing*, soulignent les avancées, les potentiels mais aussi les ratés d’une construction du Grand Paris à laquelle elles suggèrent d’associer davantage les citoyens, habitants, usagers. En utilisant le puissant moteur de la transition écologique. Quelle est votre vision de la construction du Grand Paris ? Marie Le Vern : Le Grand Paris des habitants, des entreprises, des associations, le Grand Paris du quotidien existe depuis bien longtemps ! Comme trop souvent, l’institutionnel a été et est encore à la traîne de la réalité vécue et de la vie quotidienne dans nos villes et nos quartiers. Mais nombre d’acteurs publics et privés ont mis et mettent beaucoup d’énergie pour rattraper ce retard, institutionnel, notamment. Ce n’est pas évident car les structures locales, les modes d’élections ne facilitent pas les bonnes volontés et quelques fois les compétences ne sont pas exercées à la bonne échelle. Chloé Morin : L’émergence de la métropole et des territoires a été utile, ce sont des périmètres cohérents. Nous devons nous réjouir aussi des avancées majeures que constituent les développements et mises en service prochaines des différentes lignes de transport du quotidien (nouvelles lignes de métro, extensions et nouvelles lignes de tramway, entre autres) qui déjà reconfigurent les villes et changent la donne en particulier sur la question du logement. Nous pouvons espérer beaucoup des Jeux olympiques et paralympiques, même s’il faut qu’ils soient plus grands-parisiens que seulement parisiens. Toutefois, ne croyons pas que tout va aller spontanément et on peut regretter que les réflexions qui animent les chercheurs, les chefs d’entreprise, les différentes associations et surtout les avis des millions de Grands Parisiens n’irriguent pas autant qu’il le faudrait le débat public et les décisions politiques, à tous les niveaux. De quelle manière percevez-vous l’évolution des attentes, des aspirations ou des exigences des Grands Parisiens dans ces domaines ? CM : Elles oscillent entre la fierté, l’énergie et une déception qui peut confiner à la lassitude. Habiter, vivre dans le Grand Paris, c’est vivre dans un des espaces les plus denses au monde, les plus touristiques, parmi les plus attractifs et qui offre des opportunités comme peu de territoires peuvent en promettre. Les habitants ont conscience de cela, ils ne sont pas dans une bulle et il suffit de se promener dans la rue, de faire la queue devant un musée ou encore de réserver un restaurant pour comprendre que le monde entier se donne rendez-vous ici. MLV : D’un autre côté, les différences de niveau de vie, des fractures sociales qui se sont muées en gouffres infranchissables, un quotidien souvent dur, parfois violent, épuisent certaines des meilleures volontés et sont autant de freins à l’harmonie et au développement collectif et individuel. Les aspirations des Grands Parisiens sont connues : ils veulent pouvoir accéder sans entrave d’aucune sorte à tout le Grand Paris. Comment les acteurs publics et privés peuvent-ils travailler ensemble pour répondre aux attentes des Grands Parisiens ? CM : Il n’y a pas de modèle unique et il y a déjà beaucoup d’espaces où ce dialogue existe : les collectivités, les établissements publics, les syndicats de tous ordres s’efforcent de faire vivre ce dialogue. Ce lien vit aussi à travers les services publics et la commande publique sous toutes ses formes. Mais pour autant, on doit impérativement faire mieux, à tous les points de vue. Un des moteurs les plus puissants pour aller plus loin et faire en sorte que les changements, notamment sur l’adaptation au bouleversement climatique, surviennent, c’est d’embarquer les citoyens, les habitants, les usagers, celles et ceux qui vivent et font vivre le Grand Paris. Ce sont eux qui en ont l’expérience la plus pointue. Pour cela, il faut conforter les cadres qui existent et pousser les acteurs à prendre des risques qui, en réalité, n’en sont pas. MLV : En effet, au moment de porter un projet à l’échelle d’un territoire (mutation d’un espace urbain, construction de logements, installation d’une nouvelle activité, etc.), les élus et les porteurs de projet se posent souvent des questions pour savoir comment éviter les oppositions, voire les recours. Notre conviction, mais surtout notre expérience, c’est qu’il faut au contraire recueillir, solliciter, aller chercher largement l’opinion publique locale pour qu’elle s’empare du projet, qu’elle le coproduise. Ça ne règle évidemment pas tout, mais concernant les projets que nous accompagnons, à chaque fois que nous avons agi ainsi, ils ont plus vite abouti, ont été moins contestés et sont systématiquement meilleurs, en ce sens qu’ils remplissent mieux les objectifs que voulaient leur assigner la puissance publique et les acteurs privés ou associatifs. * Societing, cabinet de conseil en stratégie d’influence et analyse d’opinion, créé en 2020, accompagne les entreprises et les décideurs.
- « Les notaires de Paris ont fait preuve d’inventivité pour les JOP 2024 ! » : Marc Cagniart
Marc Cagniart, président de la Chambre des notaires de Paris. Comment les notaires de Paris ont-ils pris leur part dans l’organisation des JOP 2024 ? L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 a conduit les pouvoirs publics et différents opérateurs à innover dans les domaines des politiques de l’aménagement et de l’habitat pour réaliser les équipements nécessaires à cette manifestation. Les notaires sont intervenus pour des opérations de remaniement, d’acquisition ou de revente de foncier dans des zones d’aménagement, mais également dans le cadre des procédures d’appels à projets. Ils ont, à ces occasions, utilisé massivement la technique de l’Espace notarial, spécifique à l’organisation des data rooms dédiées aux appels à projets. Mais ils ont dû également mettre en œuvre une législation nouvelle. Ainsi, avant la loi JOP du 26 mars 2018, il fallait un permis pour construire un équipement et un autre pour lui donner postérieurement un usage différent. La loi JOP a institué un nouveau régime de permis de construire à double état pour garantir la réalisation successive de la phase JOP et de la phase dite « héritage » (état post JOP). La loi n’ayant pas prévu toutes les conséquences contractuelles de ces opérations, les notaires ont dû faire preuve d’inventivité et adapter certaines pratiques comme, par exemple, l’organisation de la réception des travaux, les modalités du régime des ventes en l’état futur d’achèvement ou la mise en place des garanties financières. Quel sera l’impact de ces infrastructures sur les communes concernées ? Certains secteurs tireront assurément parti du renouvellement d’un quartier conséquemment à l’implantation d’un équipement olympique. La réalisation du Village olympique a notamment permis la création de 2 800 logements ainsi que de nouvelles infrastructures qui profiteront aux habitants des communes concernées (Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île Saint-Denis). Sans parler des bâtiments pensés pour être réversibles et qui constitueront l’héritage des JOP. Ces opérations d’ampleur constituent des leviers pour désenclaver certaines zones, renouveler le tissu urbain et favoriser la mobilité résidentielle des populations. On a tiré les leçons des JO d’Athènes, à l’occasion desquels des zones entières avaient été transformées pour se révéler aujourd’hui peu entretenues, voire quasiment abandonnées. À Paris, une attention toute particulière a été portée pour éviter de se retrouver avec de telles friches sportives dont on ne peut rien faire. Selon vous, les Jeux olympiques auront-ils une incidence sur le marché immobilier parisien dans son ensemble ? S’il y a un impact, il sera à mon sens très conjoncturel et se concentrera en particulier sur le marché locatif avec une augmentation prévisible de la demande concernant les biens de type Airbnb. Mais ce pic d’activité restera sans doute ponctuel. Je ne crois pas à un effet de fond sur le marché du logement, que ce soit en acquisition/vente ou en location.
- « UN GRAND PARI(S) DE L’HYBRIDATION TERRITORIALE EST POSSIBLE ! » : GABRIELLE HALPERN
De l’avis de la philosophe Gabrielle Halpern, le Grand Paris gagnerait à développer l’hybridation territoriale pour réinventer gouvernance et action publique. Explications. Vos travaux de recherche en philosophie portent depuis plus de dix ans sur la notion d’hybridation. Que faut-il entendre par là ? Je définis l’hybridation comme « le mariage improbable », c’est-à-dire comme le fait de mettre ensemble des secteurs, des activités, des destination s, des métiers, des personnes, des usages, des compétences, des générations qui, a priori, n’avaient pas grand-chose en commun, voire qui pouvaient sembler contradictoires et qui, par leur métamorphose réciproque, vont donner lieu à quelque chose de nouveau : un tiers-usage, un tiers-lieu, un tiers-objet, une tierce-économie, un tiers-modèle, une tierce-gouvernance, un tiers-service… De nouveaux mondes, en somme ! Demain, tous les lieux (écoles, logements, musées, hôtels, galeries marchandes…) seront des tiers-lieux et mêleront des activités, des publics, des usages différents. Prenez les villes : les projets de végétalisation se multiplient, les fermes urbaines se développent au point que la frontière entre ville et campagne tend à devenir de plus en plus ténue. Cette hybridation de la nature et de l’urbanisme se fait parallèlement à celle des univers professionnels, des formations et des métiers : les universités, les laboratoires de recherche, les entreprises, les administrations publiques commencent à collaborer de manière plus étroite. Coliving, coworking, cofarming, nouvelles manières d’habiter, de consommer, de travailler, d’apprendre, de se réunir… L’hybridation pourrait bien être la grande tendance du monde qui vient. Quelles en sont les implications territoriales ? On parle beaucoup de responsabilité sociale ou environnementale, mais il est temps de développer une véritable « responsabilité territoriale », qui n’incombe pas seulement aux entreprises, mais à tous les acteurs d’un territoire : école, musée, maison de retraite, magasin, restaurant, gare. Tant que chaque acteur du territoire restera enfermé dans sa case, il n’y aura ni territoire, ni contrat social. Demain, on évaluera chacun par rapport à sa capacité à créer des ponts entre les mondes, à réaliser des mariages improbables avec des partenaires inédits, à se penser comme un véritable écosystème à même de cultiver un maillage territorial, social, générationnel, sectoriel, éducatif et professionnel ; autrement dit, par rapport à sa capacité à « hybrider ». C’est ce que j’appelle « l’hybridation territoriale ». En quoi cette hybridation pourrait-elle bénéficier à un territoire tel que le Grand Paris ? Les enjeux métropolitains nécessitent de penser l’hybridation des parties prenantes et d’inventer un nouveau modèle de gouvernance et une nouvelle philosophie de l’action publique territoriale, propres à échapper aux solutions catégorielles et à la juxtaposition des intérêts particuliers. S’agissant du Grand Paris, aurons-nous le courage de le penser en tant que tiers-territoire ?
- LIONEL GROTTO : BÂTISSEUR DE PROJETS COLLECTIFS
À LA TÊTE, DEPUIS CINQ ANS, DE L’AGENCE D’ATTRACTIVITÉ DE L’ÎLE-DE-FRANCE CHOOSE PARIS REGION, LIONEL GROTTO DÉCRIT AVEC ENTHOUSIASME LES SUCCÈS RÉCENTS D’UNE RÉGION EN COURS DE RÉINVENTION, DONT L’IMAGE RAYONNE COMME EN ATTESTENT LES DERNIERS CLASSEMENTS INTERNATIONAUX. C’est en racontant l’histoire du territoire – et en encourageant un jeu collectif – que Lionel Grotto vante, depuis cinq ans, les atouts de l’Île-de-France. Alors que celle-ci vient de se hisser pour la première fois à la tête des régions européennes en termes d’investissements étrangers devant Londres, il décrit les fondamentaux qui font la force de la région capitale et que les évolutions récentes, pandémie d’un côté, révolution numérique et défi climatique de l’autre, ont en grande partie réinventés. Ce polytechnicien, passé par le cabinet de Valérie Pécresse, a su faire de l’agence un outil dynamique et ouvert aux acteurs du territoire, et promouvoir une région désormais totalement engagée dans la transition écologique. « Réinventer un tourisme qui régénère » Résultat, la place de l’Île-de-France est au beau fixe dans les classements internationaux et le Financial Times vient de placer Choose Paris Region en pole position de son classement des meilleures stratégies d’attractivité, devant Londres. « Notre mission consiste à préparer l’avenir », résume celui qui se réjouit de la prochaine fusion entre Choose Paris Region et le Comité régional du tourisme. « Nous devons contribuer à réinventer un tourisme qui régénère et non qui assèche. » Lionel Grotto se félicite d’un alignement des décideurs publics sur la question du développement durable. La perspective de Jeux olympiques et paralympiques durables, frugaux et spectaculaires à la fois, contribue, également, d’après lui, à la dynamique favorable en cours. Le directeur de l’agence évoque enfin la tente Grand Paris du Mipim, qui s’est métamorphosée lors de la dernière édition, avec sa colonne Morris typiquement parisienne ou encore sa piste d’athlétisme qui menait au stand depuis l’entrée du salon. Le stand racontait l’identité francilienne sur fond de culture, d’histoire, d’innovations et de projets, à l’image de la maquette de Notre-Dame. Le tout pour plus d’impact, plus de cohérence et plus de sens, dans une scénographie d’ensemble sobre et aérée. Né à Montauban, marié et père de trois jeunes enfants, pianiste de talent, semi-marathonien et tennisman (un temps classé 15), autant matheux que littéraire, Lionel Grotto, aime « l’idée de transmettre ». Cet amateur de Ray Bradbury, de Verlaine et Victor Hugo doit aussi à ses pérégrinations d’être polyglotte. Après un stage comme conseiller financier à l’ambassade de France à Rome, il intègre la filiale italienne d’EDF énergies nouvelles. Il y supervise le raccordement de champs d’éoliennes et photovoltaïques au réseau électrique outre-alpin, dopé par les tarifs de rachat offerts par le gouvernement. Il a également œuvré à l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms, puis à l’ambassade de France au Mexique où il devient conseiller financier, avant d’intégrer, en 2016, le cabinet de Valérie Pécresse.
- RÉMI VIAL-COLLET : UN BUSINESS ANGEL
C’EST AVEC HUMILITÉ QUE LE POLYTECHNICIEN RÉMI VIALCOLLET DÉCRIT SON PARCOURS ASCENSIONNEL QUI L’A CONDUIT DE NEXITY APOLLONIA À LA PRÉSIDENCE DE FAIR’ PROMOTION. C’est à Londres en 2005, dans le restaurant que tenait alors Jean-Christophe Tortora, que s’est joué au moins partiellement le destin professionnel de Rémi Vial-Collet. Ce brillant Haut-Savoyard effectue alors, dans la capitale anglaise, un volontariat international en entreprise (VIE) à la Société générale corporate & investment banking. « Je lui ai conseillé de s’intéresser au métier de la promotion immobilière car j’ai perçu chez lui ce goût de bâtisseur. Je ne le voyais pas s’enfermer dans les salles de marchés », dit de lui le président de La Tribune. « J’ai détecté sa rapidité intellectuelle, son sens aigu de l’organisation et un talent pour être en empathie avec son environnement en quelques minutes. Il est difficile de ne pas aimer Rémi au bout d’une heure ! » ajoute-t-il. Jean-Christophe Tortora présente à Jean-Philippe Ruggieri, originaire de Toulouse comme lui et directeur général de Nexity, le jeune polytechnicien. Et le courant passe. Après un stage de fin d’études chez McKinsey, puis un bref passage dans la finance – « J’avais décidé de partir pour Londres sur un coup de tête, confie-t-il, pour faire la fête » –, Rémi Vial-Collet intègre la major de l’immobilier. La Caisse d’Epargne vient alors d’entrer au capital de Nexity, qui cherche un profil d’ingénieur consultant. Ce fils de géomètre, petit-fils d’un directeur départemental de l’équipement qui a dessiné la route reliant les stations de ski des Carroz-d’Arâches et de Flaine, fait ses armes à Toulouse, dans la filiale historique de l’ensemblier urbain. Il gravira ensuite un à un tous les échelons, de responsable de programme à directeur adjoint de la maîtrise d’ouvrage. « Une évolution logique, où l’on commence d’abord à suivre la construction d’un bâtiment, puis d’un îlot, enfin d’un ensemble de programmes », résume cet amateur de lecture de romans et d’histoire de France, grand voyageur également, qui parcourt le monde avec son ami. Une histoire familiale Après neuf ans chez Nexity, ce jeune homme, à qui tout semble réussir, veut faire du développement. « J’en avais sans doute assez de passer mes journées à résoudre des urgences, ce qui est le lot des métiers de la gestion de programmes », indique-t-il. C’est à nouveau une rencontre, lors du mariage d’un de ses proches, le notaire Jean-Marie Guibert, qui va sceller son destin. Il croise Olivier Perrin, qui dirigealors l’Île-de-France pour Vinci Immobilier. Ce dernier lui confie la direction de l’est de l’Île-de-France, qu’il prend en avril 2016. Un nouveau défi pour ce natif de Cluses, qu’il relève avec une redoutable efficacité, lui valant de monter en grade pour devenir directeur général adjoint de Vinci Immobilier en charge de l’Île-de-France. Là encore, le hasard des rencontres le conduit à se lier d’amitié avec le patron de Promo Gerim, Yves Jouitteau, avec lequel il réalise plusieurs programmes immobiliers, à Bobigny, Rambouillet ou Villejuif. Le promoteur souhaite passer la main et cherche un successeur. La transition s’engage, accélérée dramatiquement par le décès d’Yves Jouitteau, emporté en 2022 par une maladie foudroyante. « Ces difficultés ont finalement soudé le pacte d’actionnaires passé avec mes associés, les enfants du président historique », indique Rémi Vial-Collet. Le sens de la parole donnée Aujourd’hui, dans les locaux flambants neufs de l’hôtel d’entreprise où il a provisoirement implanté son siège parisien dans le 16e arrondissement, en attendant la rénovation de l’hôtel particulier qui l’accueillera prochainement, le jeune chef d’entreprise mesure davantage les défis qui lui restent à relever que le chemin parcouru. Avec simplicitéet une remarquable attention à l’autre – rares sontles portraiturés aussi curieux du parcours de leur interlocuteur –, il détaille la stratégie de diversification, vers les résidences gérées notamment, mais aussi vers des projets plus originaux, encoreconfidentiels, qu’il a commencé de mettre en œuvre. Pour expliquer le choix de Fair’ promotion, nom qu’il a donné au groupe qu’il forme désormais avec Dream promotion, au capital duquel il est récemment entré, Rémi Vial-Collet s’en réfère aux valeurs d’une entreprise au capital historiquement familial, dont il entend respecter et développer un ADN reposant sur le soin accordé à ses programmes, la probité et le respect de la parole donnée. S’il porte notamment un fonds de dotation destiné à soutenir le logement solidaire et l’inclusion, il demeure également discret pour l’heure sur la question, afin de se prémunir de tout social washing.
- UN GRAND PARIS LOCAVORE ET GOURMAND
UNE CORNE D’ABONDANCE, LE TERROIR FRANCILIEN ? OUI, SI ON EN JUGE PAR LA QUANTITÉ IMPRESSIONNANTE DE CUEILLETTES, POTAGERS URBAINS, RUCHES, LAITERIES, FERMES ET BRASSERIES ENCADRANT LA CAPITALE. ENQUÊTE SUR UN PHÉNOMÈNE QUI ENCHANTE LES CONSOMMATEURS. PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE HELAL. Le terroir francilien, nouveau terrain de jeu des citadins Grâce aux fameux « circuits courts » et aux injonctions répétées à « bien manger local », les Parisiens et citadins de la région Île-de-France,en quête d’un petit bol d’air campagnard, sont de plus en plus nombreux à s’évader à quelques kilomètres de leur domicile pour s’approvisionner en produits frais. Cette tendance de fond, qui pointait déjà avant la crise sanitaire, traduit l’envie de tisser un lien avec les producteurs, ces nouveaux héros de nos assiettes : bien que l’engouement pour les (grands) chefs ne soit pas encore retombé, la (re)découverte du terroir semble le terrain de jeu favori des amateurs de bonne cuisine. Pour reprendre les mots du chef cuisinier Guillaume Gomez dans la préface de son dernier ouvrage, Recettes gourmandes des fruits & légumes de nos territoires, aux éditions Le Cherche-Midi (voir interview pages suivantes), « sans celles et ceux qui “font” ce terroir, pas de gastronomie française ! ». Dénominateur commun de ces artisans du goût, aux profils et aux exploitations variées, l’envie de mettre du sens écologique et environnemental au cœur de leur activité, adossée à un certain sens des responsabilités vis-à-vis de leurs clients consommateurs. Des producteurs et des chefs engagés et responsables Certains, comme Mikaël Morizot, 42 ans, à la tête de la Cressonnière Sainte-Anne, à Vayres-sur-Essonne, sont aussi des porteurs de flambeau, à l’instar de leurs ancêtres. Son exploitation, première de l’Essonne depuis 1854 et qui s’étend sur une cinquantaine d’ares, produit un superbe cresson bio de fontaine. Cette plante, plébiscitée par les diététiciennes et les naturopathes, était autrefois vendue par milliers de bottes sur le carreau des anciennes Halles, dès les petites heures de la matinée en raison de sa fragilité. Mais que le cresson soit apprécié en salade ou en soupe, pour Mikaël, pas de différence : « Je le cueille moi-même à la main et au couteau, les jambes dans l’eau comme mon père avant moi… J’ai des liens pour botteler et je le vends en direct sur mon exploitation, dans les marchés bio autour de chez moi. Le reste va au MIN de Rungis. » Fier de travailler un « produit noble », et heureux d’être en pleine nature, il n’est jamais plus satisfait que lorsque des chefs s’intéressent à son cresson. Même son de cloche chez Damien et Stéphanie Vanhalst à la Fraiseraie de Houdan, dans les Yvelines, dont les 7 variétés de fraises font carton plein entre début mai et fin juin auprès des restaurateurs, boulangers-pâtissiers et épiceries fines locales. « Cueillies le matin et vendues en direct l’après-midi, deux fois par semaine, les mardi et jeudi, à la gare de Villiers-Pontchartrain », elles représentent ici un bonus appréciable pour une ferme héritée de la génération précédente, qui vit le reste de l’année grâce aux revenus issus de ses fruits et légumes. Très attentif au bien-être de leurs saisonniers, ce couple de quadras organise aussi régulièrement des ateliers-découvertes sur leur site, avec d’autres producteurs de la région invités à faire connaître leurs miels, farines, viandes et pâtisseries ou friandises artisanales. La vente de proximité, c’est aussi le credo de Philippe Dufour, 60 ans, éleveur à Échouboulains en Seine-et-Marne de superbes Blondes d’Aquitaine, une race reconnue pour ses qualités bouchères. Après des décennies d’élevage laitier par ses parents et grands-parents, 15 années de culture céréalière ont épuisé les sols, qu’il a replantés en herbage pour se lancer dans la viande, il y a 30 ans. Aujourd’hui, si la vente de ses broutards (jeunes bovins de 3 à 10 mois, sevrés et mis au pâturage, ndlr) se fait en Italie, une partie de son cheptel est vendue à des bouchers en circuits courts. « En autonomie fourragère à plus de 90 % », Philippe Dufour, élu du Comité régional d’Île-de-France d’Interbev, l’interprofession, joue aussi la carte des marchés de producteurs et de l’entraide gagnante sur son exploitation. À la fois vertueuse et pragmatique, la démarche de ces producteurs rencontre un écho favorable auprès des (jeunes) chefs, à la conscience environnementale déjà bien aiguisée. Comme Camille Saint-M’Leux, 27 ans, dont les menus très gourmands et finement orchestrés ravissent les clients de la Villa9Trois, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Pain sur levain en provenance d’un boulanger de la ville, Le Fournil éphémère ; café éthiopien torréfié par un artisan local ; ruches remplies d’abeilles prodigues (plus de 80 kilos de miel par an !), un partenariat avec Jeff l’Abeille, un voisin apiculteur : rien, concernant le sourcing, n’est laissé au hasard, à commencer par les légumes et les fruits ! Hormis ses 8 variétés d’agrumes et 43 plantes aromatiques qu’il fait pousser sur place et sous serre, Camille se fournit auprès de Roland Rigault, maraîcher en Seine-et-Marne. « Sa production n’est pas bio, mais il représente le bon sens maraîcher, alors, je le suis ! », explique le chef. Depuis cet été, il s’est rapproché de l’association locale Murs à pêches, qui vise à ressusciter les fameuses pêches montreuillaises, gloires de la ville au XIXe siècle. « Je propose une pêche au sirop froide, accompagnée d’une glace infusée à la feuille de pêcher », précise-t-il. Si les efforts des uns et des autres incarnent une certaine modernité des artisans du goût, ils n’en paraissent pas moins insuffisants au regard de la problématique de la souveraineté alimentaire. Le Ventre de Paris, acte II « D’ici à 2035, les besoins alimentaires des Franciliens vont croître sous la pression de l’augmentation de la démographie, donc disposer de capacités de distribution supplémentaires et complémentaires à celles de Rungis est important », déclare Stéphane Layani. Le président de la Semmaris, qui gère le MIN de Rungis, est aussi pragmatique que visionnaire : « Plus on est citadin et plus on a besoin d’un lien avec les producteurs ! Ne jamais perdre de vue la problématique qui est : comment on approvisionne la ville, la banlieue, la grande banlieue chaque jour ? Comment on achemine la marchandise chez les gens ? » De ces réflexions est né un projet ambitieux, chiffré à 1 milliard 400 000 euros et baptisé Agoralim : porté par la Semmaris, il vise à installer dans le nord de l’Île-de-France, sur le fameux axe du Triangle de Gonesse, un dispositif de valorisation des produits alimentaires frais, de la production à la distribution en passant par la transformation. Une sorte de complément à Rungis, où les flux de distribution entre le nord et le sud de l’Île-de-France, mieux répartis, répondront au défi environnemental. « Ce qui fait la force d’une agriculture, c’est la logistique. Campus agro- alimentaire, en partenariat avec l’Éducation nationale, unités spécialisées dans le catering, distribution et carreau des producteurs, cuisine de transformation solidaire pour les invendus et futur musée de l’Agriculture : c’est un sujet métropolitain à part entière », conclut Stéphane Layani.











