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« UN GRAND PARI(S) DE L’HYBRIDATION TERRITORIALE EST POSSIBLE ! » : GABRIELLE HALPERN

De l’avis de la philosophe Gabrielle Halpern, le Grand Paris gagnerait à développer l’hybridation territoriale pour réinventer gouvernance et action publique. Explications.


Vos travaux de recherche en philosophie portent depuis plus de dix ans sur la notion d’hybridation. Que faut-il entendre par là ?

Je définis l’hybridation comme « le mariage improbable », c’est-à-dire comme le fait de mettre ensemble des secteurs, des activités, des destination


s, des métiers, des personnes, des usages, des compétences, des générations qui, a priori, n’avaient pas grand-chose en commun, voire qui pouvaient sembler contradictoires et qui, par leur métamorphose réciproque, vont donner lieu à quelque chose de nouveau : un tiers-usage, un tiers-lieu, un tiers-objet, une tierce-économie, un tiers-modèle, une tierce-gouvernance, un tiers-service… De nouveaux mondes, en somme !

Demain, tous les lieux (écoles, logements, musées, hôtels, galeries marchandes…) seront des tiers-lieux et mêleront des activités, des publics, des usages différents. Prenez les villes : les projets de végétalisation se multiplient, les fermes urbaines se développent au point que la frontière entre ville et campagne tend à devenir de plus en plus ténue. Cette hybridation de la nature et de l’urbanisme se fait parallèlement à celle des univers professionnels, des formations et des métiers : les universités, les laboratoires de recherche, les entreprises, les administrations publiques commencent à colla­borer de manière plus étroite. Coliving, coworking, cofarming, nouvelles manières d’habiter, de consommer, de travailler, d’apprendre, de se réunir… L’hybri­dation pourrait bien être la grande tendance du monde qui vient.


Quelles en sont les implications territoriales ?

On parle beaucoup de responsa­bilité sociale ou environnementale, mais il est temps de développer une véritable « responsabilité territoriale », qui n’incombe pas seulement aux entreprises, mais à tous les acteurs d’un territoire : école, musée, maison de retraite, magasin, restaurant, gare. Tant que chaque acteur du territoire restera enfermé dans sa case, il n’y aura ni territoire, ni contrat social. Demain, on évaluera chacun par rapport à sa capacité à créer des ponts entre les mondes, à réaliser des mariages improbables avec des partenaires inédits, à se penser comme un véritable écosystème à même de cultiver un maillage territorial, social, générationnel, sectoriel, éducatif et professionnel ; autrement dit, par rapport à sa capacité à « hybrider ». C’est ce que j’appelle « l’hybridation territoriale ».


En quoi cette hybridation pourrait-elle bénéficier à un territoire tel que le Grand Paris ?

Les enjeux métropolitains nécessitent de penser l’hybridation des parties prenantes et d’inven­ter un nouveau modèle de gou­vernan­ce et une nouvelle philosophie de l’action publique territoriale, propres à échapper aux solutions catégorielles et à la juxtaposition des intérêts particuliers. S’agissant du Grand Paris, aurons-nous le courage de le penser en tant que tiers-territoire ?

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