« Avant, il fallait du beau et du qualitatif ; aujourd’hui, il faut du beau, du qualitatif et du soutenable »
VINCI Immobilier a réussi à diviser par deux, en deux ans, son taux d’artificialisation net des sols. Le Village des athlètes à Saint-Denis sert notamment de laboratoire à l’une des majors de la promotion immobilière en France. Cyril Despres, directeur territorial, chargé du Village des athlètes et des projets de transformation urbaine en Île-de-France, présente les innovations et divers outils mis en œuvre pour atteindre avec 20 ans d’avance la neutralité foncière.
Quelles sont les ambitions de VINCI Immobilier Promotion en matière environnementale ?
VINCI Immobilier s’est fixé comme objectif, début 2022, d’atteindre le ZAN (zéro artificialisation nette) dès 2030, alors que la loi climat et résilience a fixé l’échéance à 2050. Pour ce faire, nous nous concentrons sur les opérations de recyclage urbain, soit les fonciers gris déjà construits et que l’on démolit puis reconstruit ou que l’on transforme, notamment sur le gisement des actifs tertiaires obsolètes.
Quel bilan tirez-vous de cette démarche depuis un an et demi ?
Un bilan plutôt satisfaisant puisque notre taux d’artificialisation est passé de 13 % en 2020 à 6 % en 2022. Nous avons fixé des objectifs internes que nous arrivons à quantifier grâce à la création d’une calculette ZAN utilisée pour évaluer la faisabilité de chaque projet. S’il ne respecte pas notre ambition de neutralité foncière et qu’il porte atteinte à cet objectif de développement de la biodiversité, il est écarté du comité d’engagement. Certains programmes sont soit réajustés, soit totalement abandonnés. La compensation entre régions permet également d’être un peu au-dessus du taux d’artificialisation dans certaines régions et en-dessous dans d’autres, notamment en l’Île-de-France, et ainsi d’atteindre au niveau national la neutralité. Enfin, nous négocions également avec les élus pour construire plus haut, avec moins d’emprise au sol. Ou de transformer des actifs de bureaux désuets et vacants en logements dans une perspective de reconstruction de la ville sur la ville.
Quels autres outils utilisez-vous ?
La péréquation entre opérations, comme c’est le cas avec l’acquisition, en 2019, de 50 terrains industriels pollués ayant appartenu à Engie. Sur ces sites, certaines opérations sont à charges foncières négatives et d’autres à charges foncières positives. Nous arrivons à atteindre l’équilibre global à l’intérieur d’un portefeuille en faisant une moyenne entre les deux. Enfin, pour challenger nos prospecteurs, nous attribuons une prime aux développeurs fonciers qui atteignent ces objectifs de recyclage urbain. Mais, même sans ce levier, cette orientation a donné un élan fédérateur aux collaborateurs qui sont fiers de cette stratégie, compte tenu de leurs préoccupations sociétales et environnementales.
Comment comptez-vous passer d’un taux d’artificialisation net des sols de 6 % à 0 % ?
Nous avons fait une partie du chemin, mais nous ne crions pas victoire : la trajectoire pour arriver à zéro ne sera pas linéaire et nous savons que les « derniers mètres » seront les plus difficiles. Nous travaillons sur l’amélioration continue, notamment avec le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) pour pouvoir encore mieux mesurer l’artificialisation et la désartificialisation d’un site. VINCI Immobilier parraine un groupe de travail à l’OID (Observatoire de l’immobilier durable) et travaille avec la Fabrique de la cité de manière à partager son expertise avec d’autres acteurs du secteur.
Par ailleurs, les actions de formation ont beaucoup progressé en interne : plusieurs centaines de collaborateurs vont être formés sur les actions de réhabilitation. Le sujet est d’autant plus complexe que l’on avance à la fois sur la désartificialisation et les performances environnementales des bâtiments qu’il faut parfois intégrer à la réhabilitation de bâti existant. Le Village des athlètes à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est à ce titre un vrai démonstrateur de la façon dont VINCI Immobilier travaille sur les sujets du ZAN et des diverses réglementations environnementales.
En quoi consiste ce projet ?
Implanté sur une friche industrielle de 6 hectares, le site du projet Universeine a dû être intégralement désartificialisé et dépollué. Et 1,3 hectare a été revégétalisé. Les bâtiments ont été détruits à l’exception de la Halle Maxwell. C’est aussi un projet précurseur en termes de décarbonation de la construction puisque le bilan carbone de l’ensemble des bâtiments a été réduit de 40 % par rapport aux constructions conventionnelles. Les immeubles sont réversibles et 75 % de ce que l’on déposera à l’issue de l’événement sportif (cloisons, salles de bain provisoires) sera soit recyclé, soit réemployé sur d’autres chantiers. Pour réussir un projet comme celui du Village des athlètes mais aussi d’autres tout aussi ambitieux, il faut travailler en partenariat avec les collectivités locales qui peuvent avoir une appréhension vis-à-vis de certains sujets comme les surhauteurs, la décarbonation et la réhabilitation. Avant, il fallait du beau et du qualitatif ; aujourd’hui, il faut du beau, du qualitatif et du soutenable.
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