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Villes moyennes et territoires ruraux tendent la main au Grand Paris

Face aux multiples et récentes crises qui ont révélé les faiblesses de la France, unir ses forces est plus que jamais nécessaire, voire indispensable. Reste à savoir quels partenariats gagnants/gagnants peuvent être initiés entre la très attractive Île-de-France et des contrées peut-être moins attirantes, mais aux atouts indéniables. Plusieurs territoires ont des idées aussi séduisantes qu’inspirantes.

Depuis quelque temps, lorsqu’on évoque les coopérations territoriales, le premier exemple cité est Saint-Dizier. Le jeune et particulièrement dynamique maire LR de cette commune de Haute-Marne a su faire d’une faiblesse un fer de lance pour la booster. Face à tous les maux qui s’abattaient sur sa ville moyenne (désindustrialisation, baisse de la démographie, enclavement géographique, fortes manifestations des Gilets jaunes, montée en puissance du vote RN aux derniers scrutins), Quentin Brière a décidé, en remportant la mairie en 2020, de « changer de regard et de méthode » pour « inventer un modèle de ville moyenne qui fonctionne » et « offrir des services de qualité aux Français qui veulent s’y installer ». Alors que Saint-Dizier dispose d’importantes disponibilités foncières, « aucun logement neuf n’y a été construit au cours des 40 dernières années, à l’exception de logements sociaux (43 %) », a-t-il rappelé le 31 mai au 4e Sommet de l’Université de la ville de demain (UVD) lors de la signature avec Aubervilliers en Seine-Saint-Denis d’un partenariat inédit. Tout l’enjeu pour l’ancien avocat est d’attirer des promoteurs.

Quentin Brière, maire de Saint-Dizier, Karine Franclet, maire d'Aubervilliers, et Stéphan de Fay, directeur de Grand Paris Aménagement.


La rencontre avec Stéphan de Faÿ, directeur de Grand Paris Aménagement (GPA), au Sommet de l’UVD de 2022, lui ouvre le champ des possibles, à commencer par cette alliance foncière. Le principe, imaginé par Stéphan de Faÿ, consiste à jumeler deux terrains pour lancer une consultation commune auprès de promoteurs qui devront répondre simultanément sur les deux lots. L’un se situe donc à Aubervilliers, dans le quartier Cœur de Fort aménagé par Grand Paris Aménagement, qui accueillera 88 nouveaux logements, et l’autre à Saint-Dizier, où seront réalisés 50 logements en centre-ville. Une initiative largement médiatisée et saluée par les élus locaux, à commencer par Karine Franclet, maire UDI d’Aubervilliers, qui met en avant un « partenariat qui va au-delà du logement ». « Il représente une opportunité de collaboration intercommunale dynamique », souligne-t-elle. Alors que sa commune souffre d’une image négative, Karine Franclet a été séduite par l’idée de devenir « une ville qui aide » et ne pas rester dans « la posture de ville aidée ». « Pour la première fois, Aubervilliers peut commencer à être un partenaire solide », fait valoir la maire, convaincue que « cette alliance ouvrira la voie à de nouveaux partenariats, notamment dans des domaines tels que la culture ou le sport ».


Un « besoin de faire nation »


Gil Avérous, maire sans étiquette de Châteauroux (Indre) et président de l’association Villes de France, y voit de son côté « une idée atypique, originale et inspirante », tandis que Caroline Cayeux (divers droite), présidente de la communauté d’agglomération du Beauvaisis, qualifie la démarche « d’extrême- ment intéressante », même si son territoire ne présente pas de problème d’attractivité. Bien que Quentin Brière mette en avant « la capacité d’attraction extraordinaire de Paris » et apprécie que « lorsqu’on les sollicite, les Parisiens trouvent des idées », la plupart des élus interrogés dans le cadre de cette enquête regrettent que « le Grand Paris et, plus largement, l’Île- de-France n’aient pas de relations plus construites et plus régulières avec les autres territoires et notamment ceux qui les entourent », comme l’exprime Caroline Cayeux. Et d’autant plus que les attentes sont fortes, qu’il s’agisse des transports, du tourisme, du développement économique, de la réindustrialisation ou encore de la culture. « Beauvais et le Beauvaisis sont à moins d’une heure de Paris, et il serait utile que dans différents domaines, en particulier celui des mobilités, il existe des liens plus constructifs », argue cette dernière.


"Face au rejet des français pour le politique, nous avons besoin de faire Nation pour retrouver la confiance de nos habitants"

Gil Averous, maire de Châteauroux


Là où Frédérique Macarez, maire LR de Saint- Quentin et présidente de l’agglomération du Saint- Quentinois (Aisne), déplore une « France à deux vitesses », Gil Avérous est convaincu que « face au rejet des Français pour le politique, nous avons besoin de faire nation pour retrouver la confiance de nos habitants. Il ne doit pas y avoir la province d’un côté et l’Île-de-France de l’autre ». Et le président de Villes de France n’est pas le seul à souligner le besoin non seulement de se serrer les coudes, mais aussi de savoir compter avec les territoires péri-ruraux pour relever le défi du vivre ensemble et de la cohésion sociale. « On crée plus de valeur à plusieurs et en coopérant les uns avec les autres », insiste Florian Bercault, maire divers gauche de Laval (Mayenne), et d’autant plus que « les métropoles ne sont pas autonomes (alimentation, énergie), il faut prendre en compte leurs faiblesses ». En mesure de devenir « les bases arrière » des métropoles pleinement dédiées à leurs fonctions servicielles, les villes moyennes et leur hinterland pour- raient ainsi accueillir les industries même polluantes et les projets consommateurs de foncier. Pour ces divers élus, les territoires denses limités par le ZAN (zéro artificialisation nette) peuvent redonner des hectares à construire à ceux qui ont des disponibilités foncières. « Nous sommes très demandeurs de droits à construire », prévient avec vigueur Frédérique Macarez, car sa priorité est de créer de 60 à 80 hectares de nouvelles zones d’activités pour répondre à la demande des industriels et procurer des emplois à sa population. « Mais le droit ne va pas nous le permettre », redoute cette dernière, en recherche d’alliance avec d’autres territoires.


"Ils (les territoires) renaturent, nous construisons et nous partageons fiscalité et bénéfices économiques..."

Florian Bercault, maire de Laval.


Les engagements en faveur de la renaturation pour- raient par exemple s’opérer au bénéfice des territoires plus éloignés : « Ils renaturent, nous construisons et nous partageons fiscalité et bénéfices économiques ou la production d’énergies renouvelables », cite à titre d’exemple Florian Bercault.


Offrant « des opportunités pour les villes moyennes de recapter des investissements », selon Gil Avérous, ces deals gagnants-gagnants, Alexandre Avril, maire LR de Salbris et président de la communauté de communes (CC) de la Sologne des Rivières (Loir-et- Cher), aimerait les faire monter en puissance pour lui aussi développer son offre résidentielle et attirer des cadres parisiens. Car si la « capitale française de la chasse » compte parmi ses habitués beaucoup d’acteurs du Grand Paris qui contribuent à nourrir une offre commerciale de qualité, ses friches, liées à l’indus- trie de l’armement, restent désespérément désertes faute de moyens et d’opérateurs pour les réhabiliter. Alexandre Avril forme le vœu pour sa commune de devenir non seulement membre de la Métropole du Grand Paris (MGP) afin de faciliter les accords de coopération, mais aussi un lieu de repli pour accueillir des familles qui travaillent à Paris, mais ne souhaitent pas y vivre.


« La beauté sauvera le monde »


Plus au nord, le maire de Châteaudun et président de la CC du Grand Châteaudun (sans étiquette) Fabien Verdier, souhaite plutôt attirer des investisseurs pour créer de la richesse localement. Ainsi, aux Alltricks, avec Safran et le groupe Vorwek, qui crée une seconde usine, l’élu compte ajouter des industriels spécialisés dans la décarbonation sur le « petit aéroport civil vert » qui doit être implanté sur une ancienne base aérienne militaire de 450 hectares. « Nous avons des prospects en matière d’aviation hybride, décarbonée, à hydrogène et, avec le producteur d’énergie renouvelable CVE, nous développons un projet de partenariat pour construire une usine de production d’hydrogène », explique Fabien Verdier. « Une centrale photovoltaïque de 83 hectares est en cours de construction, elle nous permettra rapidement avec d’autres projets d’être un territoire à énergie positive (TEP). » De quoi être source d’inspiration pour l’Île-de-France très engagée sur ces technologies en plein essor.


"Beauvais et le Beauvaisis sont à moins d’une heure de Paris, et il serait utile que dans différents domaines, en particulier celui des mobilités, il existe des liens plus constructifs" Caroline Cayeux, présidente de la communauté d'agglomération du Beauvais


Quant à elle, la Communauté d’agglomération du Beauvaisis travaille, par exemple, avec l’École des Ponts ParisTech « pour nouer un partenariat fort ». « La culture, les sports, l’économie sont autant de vecteurs de liens potentiels avec des acteurs implantés dans le Grand Paris », assure Caroline Cayeux. Châteauroux, ville olympique qui a accueilli les épreuves de tir sportif et Saint-Dizier ont profité des JOP 2024 pour inscrire leurs territoires dans des innovations urbaines liant sport et aménagement, à l’instar de la piste de sport conçue avec Paris 2024 et inaugurée avant l’été à Saint-Dizier. Laval engage de son côté un grand plan de développement artistique et culturel. Florian Bercault imagine « une déconcentration culturelle encore plus forte » que celle menée par Metz et Lens avec respective- ment le Centre Pompidou et Le Louvre. Dans le même ordre d’idée, Quentin Brière a initié une démarche originale qui consiste à exposer pendant trois semaines sur des panneaux publicitaires urbains des œuvres sélectionnées par Rmn-Grand Palais. Cette initiative, « La beauté sauvera le monde », selon la formule de Dostoïevski, a donné naissance à une alliance territoriale rejointe par 14 villes, parmi lesquelles Pontoise en Île-de-France, et fera l’objet d’une opération nationale lancée au Salon des Maires de 2024. Pour Gil Avérous, un véritable exemple de « l’esprit d’équipe pour faire gagner la France ».


"Nous sommes très demandeurs du droit de construire"

Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin

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