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Grand Paris : une organisation institutionnelle inaboutie

  • timotheedulud
  • 20 déc. 2024
  • 5 min de lecture

L’organisation institutionnelle du Grand Paris se caractérise par une complexité record, avec une intercommunalité à double niveau et cinq niveaux d’administration locale. Un meccano unanimement décrié, fruit de tensions mal résolues entre des intérêts contraires lors de sa gestation, que le législateur, malgré des engagements gouvernementaux successifs, n’a jamais tenté de réformer, faute de consensus.

Par Jacques Paquier.




Comme un animal domestique jugé trop encombrant à l’heure du départ en vacances, la réforme du Grand Paris, souvent annoncée, a finalement été abandonnée sur le bord de la route, laissant intacte l’organisation complexe issue des lois Maptam puis NOTRe*. Les rapports de la Chambre régionale et de la Cour des comptes se sont succédé, depuis plusieurs années, pour souligner l’impérieuse nécessité d’améliorer l’organisation administrative du Grand Paris. Mais, sans doute à la fois faute de consensus et compte tenu du poids politique des élus locaux grand-parisiens, aucun gouvernement ne s’est risqué, jusqu’à présent, à lancer la réforme du Grand Paris.


Le 17 juillet 2017, peu après son accession à l’Élysée, Emmanuel Macron l’assure pourtant, lors d’une première conférence nationale des territoires organisée au Sénat : « L’idée du Grand Paris mérite mieux que ce que nous en avons collectivement fait – il faut bien le dire – de part et d’autre, pour des raisons politiques et pour des équilibres incertains. Mais si nous voulons que le Grand Paris réussisse à l’échelle de ce qu’est la compétition internationale, si nous voulons produire la richesse pour ensuite pouvoir la répartir harmonieusement sur le territoire, nous avons besoin de simplifier drastiquement les structures », déclare à cette occasion le président de la République, qui pro- met « d’aboutir à une organisation institutionnelle stabilisée et efficace ». Mais depuis... plus rien.

La conférence territoriale dédiée au Grand Paris annoncée alors puis reportée à maintes reprises ne sera pas réunie. On ne connaîtra jamais, par ailleurs, les conclusions du rapport de Michel Cadot, alors préfet de Paris et de la région Île-de-France, remis au gouvernement sur la question, sans plus d’effet.

Séance du Conseil de Paris.


Cinq niveaux d’administration


Aujourd’hui, l’organisation administrative du Grand Paris compte donc toujours cinq niveaux : commune, établissement public territorial (EPT), département, métropole, région. Et chacune des 131 communes du Grand Paris, au sein d’un périmètre lacunaire, qui n’englobe ni Roissy ni Saclay, est membre à la fois d’un EPT et de la MGP, comme l’organise une loi qui ne prévoit aucune relation institutionnelle entre ces deux échelons intercommunaux. Mieux, les textes fondateurs de l’intercommunalité dans le Grand Paris ont placé les deux strates en situation de concurrence, les Territoires et la Métropole se partageant la croissance de la Cotisation foncière des entreprises (CFE), une de leurs principales ressources fiscales. Selon des modalités qui devaient évoluer au fil du temps et de la montée en puissance des compétences de la Métropole, complexifiant encore une organisation financière déjà incompréhensible pour le commun des mortels.

Les compétences de la MGP sont l’aménagement de l’espace métropolitain, la politique locale de l’habitat, le développement et l’aménagement économique, social et culturel, la protection et la mise en valeur de l’environnement, et la politique du cadre de vie.


La création d’un nouvel EPCI à statut particulier aboutit à créer 5 niveaux de collectivités et d’établissements, allant de la commune à la région en passant par les ETP, les départements et la MGP, voire 6 niveaux selon que l’on y ajoute les divers et multiples syndicats techniques gérant l’eau, le gaz, l'électricité, les ordures ménagères...Le schéma ci-dessus donne une vision concentrique de l’empilement des strates administratives. Regroupant autour de Paris la très grande majorité des communes de la zone dense, le périmètre actuel de la MGP, qui englobe 7,2 millions d’habitants dans une aire urbaine qui en compte 10,5 millions et 12,4 millions pour la région Île-de-France, fait toujours débat.


Les 11 EPT disposent, quant à eux, de compétences propres dans cinq domaines : le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), la politique de la ville, l’assainissement et l’eau, la gestion des déchets ménagers et assimilés, le plan climat-air-énergie territorial (compatible avec le plan métropolitain). Pour complexifier encore un peu les choses, la répartition de certaines compétences entre la Métropole, les Territoires et les Communes dépend de la définition par leurs assemblées délibérantes d’un intérêt communautaire ou territorial. Ce qui signifie que cette répartition des dites compétences entre échelons est à la main des élus qui siègent au sein la MGP et des EPT, et qui doivent être majoritaires pour transférer la gestion des équipements concernés de l’échelon communal à l’échelon intercommunal.

C’est le cas de la construction et la gestion des équipements culturels, socioéducatifs et sportifs, de l’action sociale pour les EPT et de l’aménagement pour la Métropole. « Il est paradoxal d’avoir donné un rôle prédominant aux maires dans la gouvernance de la MGP dont les compétences majeures concernent des domaines (aménagement, logement, développement économique) où, selon les textes, les EPT sont compétents et non plus les communes », remarque, cruelle, la Cour des comptes en 2023**, résumant le caractère ubuesque de l’organisation retenue. « Le problème est aggravé par le fait que les communes membres de la MGP forment une mosaïque formidablement hétéroclite par leurs populations respectives (de 1 800 habitants à Marnes-la-Coquette jusqu’à 2,2 millions d’habitants à Paris) », précisent les magistrats de la rue Cambon.

Derrière les belles déclarations, la volonté des maires de ne rien céder de leurs prérogatives – ni de leurs res- sources, que l’État ne cesse par ailleurs de réduire, en baissant ses dotations aux collectivités – contribue à expliquer les ratés de la construction intercommunale francilienne. « Demander aux maires de construire le Grand Paris, c’est demander à des alligators de se rendre chez le maroquinier », résumait l’architecte Roland Castro.


Une métropole « lisible et crédible »


Certes, depuis sa création, la Métropole du Grand Paris s’est démenée, autant que faire se peut, dans cette architecture institutionnelle hostile, pour se rendre « lisible et crédible », selon l’expression chère à son président Patrick Ollier. Et si l’on regarde le verre à moitié plein, elle y est parvenue, en adoptant son Schéma de cohérence territoriale (SCoT), en organisant trois éditions de son concours d’urbanisme international « Inventons la Métropole du Grand Paris », en construisant le Centre aquatique olympique de la Plaine Saulnier, à Saint-Denis, dont la MGP a été le maître d’ouvrage, ou en créant une Zone à faibles émissions (ZFE) à l’intérieur de l’A86, dans le cadre de son plan climat.


POUR COMPLEXIFIER ENCORE UN PEU LES CHOSES, LA RÉPARTITION DE CERTAINES COMPÉTENCES ENTRE LA MÉTROPOLE, LES TERRITOIRES ET LES COMMUNES DÉPEND DE LA DÉFINITION PAR LEURS ASSEMBLÉES DÉLIBÉRANTES D’UN INTÉRÊT COMMUNAUTAIRE OU TERRITORIAL.


Mais il faudra un jour remettre l’ouvrage sur le métier et décider des modalités d’une indispensable simplification. Dans leur dernier rapport sur le sujet, en janvier 2023, les magistrats de la rue Cambon dessinaient trois scénarios : la suppression des EPT, avec le risque de renforcer une métropole des maires jugée insuffisamment intégrée ; une métropole des Territoires, dont la gouvernance serait composée des présidents des Territoires, avec le risque que les maires y soient viscéralement opposés ; une métropole composée des Départements, ces derniers absorbant les EPT... L’idée d’une fusion entre la Métropole et la Région, que ce rapport a semblé balayer d’un revers de la main, figure également parmi les scénarios du possible. Si le législateur s’empare un jour du sujet.

Ce qui suppose, dit-on, une solide majorité...


* La Métropole du Grand Paris résulte de la loi du 27 janvier 2014 de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) et de la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015.

** « L’organisation territoriale de la métropole du Grand Paris », rapport de la Chambre régionale des comptes et de la Cour des comptes, janvier 2023.


Les élus réunis en conseil métropolitain.

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