Le 28 juin, lors d’un dîner-débat exceptionnel du club des Acteurs du Grand Paris consacré au logement social et abordable, Damien Vanoverschelde, président de l’Aorif, Richard Curnier, directeur Île-de-France de la Banque des Territoires, Koumaran Pajaniradja, directeur général adjoint d’Action Logement Immobilier, et Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat, ont appelé à l’inventivité et aux coopérations pour faire face à la crise aiguë du logement en cours.
Par Jacques Paquier
« Il n’y aura pas de Grand Paris attractif sans habitat et sans habitants, et donc sans logement pour tous, abordable et social », a déclaré Damien Vanoverschelde, en ouverture d’un dîner-débat exceptionnel consacré par Acteurs du Grand Paris au logement social et abordable, le 28 juin dernier à Paris. Le président de l’Aorif a rappelé que son organisation rassemble une centaine d’organismes franciliens de logement social, représentant quelque 1,3 million de logements, regroupant 30 % de la population régionale et 25 % du parc social français. Il a insisté sur le triptyque « territoire, emploi, logement », comme socle de tout développement territorial.
Le porte-parole des bailleurs sociaux franciliens a souligné l’effet de ciseau que produit la hausse des besoins de logements sociaux et la baisse de leur production. Il s’est dit en accord avec la volonté du Conseil national de la refondation dédié au logement de construire plus de logements locatifs intermédiaires (LLI). Damien Vanoverschelde a mentionné l’importance du rôle contracyclique que jouaient les acteurs du logement social, quand la crise de l’immobilier n’a peut-être pas encore atteint son acmé. Il a averti, en l’occurrence, l’assemblée d’un risque d’effondrement de la production à venir, alors que le nombre de permis de construire a décru de 18 % au cours du premier semestre 2023, la livraison de logements baissant de 40 %. « L’absence de formulation d’une politique est une politique », a-t-il résumé. Mais le bailleur social réfute toute posture de résignation : « Soit on trouve des moyens, soit on attend et on pleure », a-t-il précisé. À ce sujet, le président de l’Aorif a regretté que le gouvernement ait décidé demaintenir une réduction des loyers de solidarité (RLS) pour neutraliser la baisse de l’allocation personnalisée logement (APL) des logements correspondants, ponctionnant d’autant les caisses des bailleurs sociaux. « Que l’on nous laisse faire notre métier », a-t-il martelé, soulignant également l’ampleur des financements nécessaires pour mener à bien la rénovation thermique du parc.
600 000 personnes en attente
Richard Curnier, pour sa part, a précisé qu’au sein de la région capitale, seulement une demande de logement social sur dix était satisfaite, portant à 10 ans le temps moyen d’attribution. « 600 000 personnes sont en attente d’un logement social », a-t-il indiqué. Le directeur Île-de-France de la Banque des Territoires a rappelé la mécanique du financement du logement social en France, grâce à l’épargne des Français sur leur livret A, d’abord réservée à la Caisse des dépôts et consignations et aux Caisses d’épargne, ouverte à l’ensemble des banques depuis 2009. Un livret A dont la récente hausse des taux, passant de 0,5 à 3 %, fait le bonheur des épargnants mais coûte cher aux bailleurs sociaux, qui voient le coût de leur financement augmenter d’autant. « Un point d’augmentation du livret A représente 80 millions d’euros de charges en plus par an pour les bailleurs sociaux », a souligné Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat.
Alignement de planètes noires
« L’ensemble de la chaîne du logement est grippé », a estimé, quant à lui, Koumaran Pajaniradja. Le directeur général adjoint d’Action Logement Immobilier a rappelé tout d’abord la genèse de son groupe, héritier du 1 % logement, créé par des représentants du mouvement patronal soucieux d’offrir à leurs employés des logements abordables. Il a précisé qu’Action Logement représentait plus d’un million de logements en France, un tiers des logements sociaux du pays et un logement locatif intermédiaire sur deux. « On a rarement vu un tel alignement de planètes noires », a poursuivi Koumaran Pajaniradja, indiquant qu’au relèvement des taux d’intérêt s’ajoutaient le renchérissement du foncier lié aux exigences de la sobriété foncière, les hausses des coûts de construction et l’augmentation légitime des exigences des locataires.
Enfin, Anne-Sophie Grave a décrit à son tour « la crise majeure » à laquelle le secteur fait face. « La promotion immobilière souffre », a-t-elle déclaré, soulignant que, par un effet de dominos, la réduction de la production de logements libres, au sein de programmes incluant une part de logements sociaux, réduit mécaniquement la production de ces derniers. « Quand tout va bien, tout va bien pour tout le monde, et vice-versa », a-t-elle poursuivi. Pour la présidente du directoire de CDC Habitat, il n’existe aucune solution miracle. « Ni la transformation de bureaux en logements, ni le développement des offices fonciers solidaires, ni l’allongement de la durée des prêts ne pourront à eux seuls résoudre la crise. Ce qui n’empêche pas qu’il faille cultiver ces différentes pistes », a-t-elle estimé. Anne-Sophie Grave prévoit deux années difficiles : « Si l’inflation décroît, 2025 ira mieux. Mais nous allons souffrir en 2023 et 2024 », a-t-elle conclu.
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