Le premier adjoint d’Anne Hidalgo souhaite que la Capitale travaille avec la Métropole « à de grands projets végétaux ». Il revient sur le sens du PLU bioclimatique de Paris, la nécessité de construire plus de logements, les enjeux des JOP 2024 et évoque ses lieux de prédilection.
Propos recueillis par Jacques Paquier
Quelle est votre vision de la place de la Capitale dans le futur Grand Paris ?
Paris est au cœur de la Métropole, non seulement géographiquement, mais aussi parce qu’il s’agit du poumon culturel, économique et social de ce grand territoire. Chaque jour, plus d’un million de Franciliens viennent travailler dans la Capitale et 300 000 Parisiens font le chemin inverse. Paris et le Grand Paris sont déjà la réalité de la vie quotidienne des gens, notre rôle est d’accompagner cette prise de conscience. La culture est un levier essentiel qui doit être au cœur de notre action. Le territoire métropolitain est un terrain de jeu fabuleux pour la jeune création mais aussi pour les amoureux du patrimoine et de l’histoire. Il y a un potentiel sous-exploité que nous devons reprendre en main. Les liens qui unissent Paris et la métropole sont forts. Le Grand Paris influence déjà Paris, et Paris influence le monde. Enfin, je pense qu’il est important que nous travaillions, Paris et la Métropole, à des grands projets végétaux. La question de la place de la nature en ville et dans les territoires denses est primordiale, en particulier dans la période à venir d’accélération du dérèglement climatique.
Pourra-t-on encore construire à Paris demain ?
Il sera toujours possible de construire dans les grandes zones d’aménagement, qui ont été définies dans les orientations d’aménagement et de programmation, mais force est de constater aujourd’hui que le Paris de 2050 est déjà là à 90 %. Il était temps de faire autrement. Désormais, la création de logements devra passer majoritairement par la rénovation du bâti existant et, notamment, de l’immobilier professionnel et industriel. C’est l’objectif du Plan local d’urbanisme bioclimatique que nous avons voté en juin dernier : accélérer la transformation écologique de la ville.
Quels sont, selon vous, les points forts du PLU bioclimatique de la Capitale ?
Ce Plan local d’urbanisme bioclimatique affiche notre très forte ambition en matière d’adaptation de la ville au dérèglement climatique et au défi environnemental. Il est de notre devoir d’engager la Capitale sur la trajectoire des engagements de l’Accord de Paris et de la neutralité carbone en 2050. Il s’agit du premier document d’urbanisme post-Covid. La crise sanitaire et la hausse des températures posent la question de la soutenabilité de nos écosystèmes urbains denses. Aujourd’hui, le parc immobilier parisien n’est pas prêt à affronter les conditions météorologiques des années à venir. Le Plan local d’urbanisme doit nous permettre de contrer ces effets négatifs. Il s’articule autour de quatre enjeux cruciaux : l’urgence environnementale, l’urgence sociale, la ville du quart d’heure et la mixité sociale, et la lutte contre les risques de dérive économique – comme les meublés touristiques ou les dark stores. Nous lui avons aussi donné une dimension métropolitaine inédite. À la fois pour effacer la frontière entre Paris et les communes limitrophes, grâce au réaménagement des portes et à la transformation du périphérique, mais aussi pour participer aux nécessaires rééquilibrages à l’échelle métropolitaine. En faisant le choix de limiter la construction de bureaux ou la location de meublés touristiques, Paris favorise le développement des autres territoires. En cela, nous nous inscrivons aussi pleinement dans les objectifs du Schéma de cohérence territoriale de la Métropole du Grand Paris, qui rassemble désormais ses 131 communes autour d’une vision partagée de l’urbanisme et de l’aménagement. L’adoption de ce schéma est un acte politique majeur pour l’avenir du Grand Paris.
Êtes-vous favorable à la prise par la Métropole du Grand Paris de la compétence logement, dont l’exercice est soumis à l’adoption par la MGP de son PMHH ?
La Métropole joue déjà un rôle de coordination d’ensemble en termes d’aménagement et doit se saisir de l’enjeu du logement. Alors que nous allons au devant d’une crise du logement sans précédent dans le Grand Paris, la Métropole ne s’est pas encore dotée d’un Plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement. Le travail est en cours, mais il faut aller plus vite. C’est un document qui mérite un important travail de fond et de concertation avec l’ensemble des communes. C’est une question fondamentale pour le devenir de la Métropole. Nous avons besoin de construire des logements et de mieux répartir l’offre sur le territoire métropolitain. Et ces enjeux, qui sont immenses, ne peuvent pas se régler à la stricte échelle des communes. Nous ne parviendrons pas à résoudre seuls les multiples défis qui sont face à nous : le besoin de nouveaux logements, le rééquilibrage territorial de l’offre sociale, le développement d’une offre de logements abordable et la nécessaire rénovation énergétique des bâtiments demandent un effort massif et collectif.
Quels sont les grands messages du quatrième tome du manifeste pour l’esthétique de Paris, consacré au bâti, annoncé pour cet été ?
Paris est une ville que l’on reconnaît en un coup d’œil. Mais c’est aussi une ville qui doit se transformer pour faire face à l’urgence climatique. L’objectif des quatre tomes du Manifeste pour la Beauté, c’est de préserver la grammaire architecturale et patrimoniale de notre capitale en mettant en œuvre la transition écologique. Les trois premiers tomes du Manifeste ont permis de redéfinir une charte de référence de l’action publique, dans tous les domaines – la voirie, les espaces verts, le mobilier urbain – pour une plus grande harmonie dans l’espace public.
Le quatrième et dernier tome du Manifeste doit acter les ambitions architecturales et urbaines de Paris au regard des grands enjeux environnementaux et sociétaux. Nous allons retravailler les critères d’appréciation d’une architecture typiquement parisienne et des spécificités paysagères de la Capitale pour établir des prescriptions qui limiteront les interventions. Paris a évolué tout au long des siècles, cela doit continuer sans renier son histoire.
Pourra-t-on réellement se baigner dans la Seine après les JOP ?
Bien sûr ! Ce sera en grande partie le résultat de la reconquête écologique de la Seine. C’est une étape fondamentale dans la réappropriation du fleuve par les habitants après la piétonisation des berges. Le grand travail engagé avec l’État et les collectivités du Grand Paris partenaires du Plan Baignade, notamment pour traiter les branchements individuels des habitations en amont de la Seine, porte déjà ses fruits. Les Jeux olympiques et paralympiques auront ainsi été un formidable accélérateur pour les politiques publiques, car ils nous ont rassemblés et obligés à agir dans des délais contraints. Reste enfin la livraison du bassin d’Austerlitz qui va garantir la qualité de l’eau de la Seine par tous les temps. À l’heure du réchauffement climatique, rendre la Seine plus propre, et donc baignable, est aussi une mesure d’adaptation essentielle. Dès 2025, trois zones de baignade seront aménagées dans la Seine : au Bras Marie, près du port de Bercy et quai de Grenelle, entre l’île aux Cygnes et la rive gauche. Nous allons travailler sur des baignades « naturelles », à l’image de ce qui se fait déjà en Allemagne et en Suisse. Et, d’ici 2026, une vingtaine de sites pourraient émerger dans le Grand Paris. Nous y travaillons avec la Préfecture de région et la Métropole.
Poétiques, historiques, esthétiques... Quels sont vos lieux ou sites préférés du Grand Paris ?
La transformation de la porte de la Chapelle me tient particulièrement à cœur. Notre ambition pour requalifier ce secteur du nord-est parisien est un acte puissant de ce que nous souhaitons pour l’ouverture de la Capitale sur la Seine-Saint-Denis et la métropole. Nous travaillons étroitement avec les communes riveraines pour rendre ce nœud autoroutier moins hostile. La requalification de l’axe de la rue de la Chapelle ainsi que les derniers aménagements des secteurs Chapelle International et Chapelle Charbon vont permettre de donner un nouveau visage à cette porte de Paris qui est la plus empruntée. Dans les prochaines années, grâce à l’adoption du Plan local d’urbanisme bioclimatique, nous allons ouvrir progressivement un grand parc de plus de 20 hectares qui reliera les portes de la Chapelle et de la Villette. Ce sera le premier grand parc métropolitain. Je suis heureux également de voir que nous sommes nombreux désormais à croire à de grands projets d’apaisement, de réduction de la place de la voiture et de végétalisation. Celui actuellement mené par le maire de Neuilly-sur-Seine pour recréer des lieux de promenade plantée est en résonance avec l’ambition que nous menons à Paris depuis 2014. Avec l’achèvement des travaux de la porte Maillot en 2024, nous allons rétablir la perspective historique de l’axe majeur qui relie la place de la Concorde, l’Étoile et La Défense.
Enfin, j’ai un souvenir affectif pour les tours Mercuriales à Bagnolet. Lorsque j’étais enfant, mes parents habitaient en Seine-Saint-Denis et j’adorais voir ces deux tours iconiques quand nous passions en voiture sur le périphérique. Je rêvais d’y travailler en étant plus grand. En haut de ces tours, qui sont au centre du Grand Paris, la vue est incroyable. On y voit la richesse patrimoniale de Paris d’un côté – les Invalides, la tour Eiffel, le Sacré Cœur – et la banlieue de l’autre. Aujourd’hui, elles sont datées et doivent entamer leur transition. Nous y travaillons avec Est Ensemble, Bagnolet et la Métropole du Grand Paris.
« Dans les prochaines années, grâce à l’adoption du Plan local d’urbanisme bioclimatique, nous allons ouvrir progressivement un grand parc de plus de 20 hectares qui reliera les portes de la Chapelle et de la Villette »
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