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INVENTER UNE NOUVELLE LOGISTIQUE POUR ET DANS LA VILLE

DANS UN CONTEXTE DE HAUSSE DE LA DEMANDE DE MARCHANDISES MAIS DE RARÉFACTION DU FONCIER DISPONIBLE POUR LES PROJETS LOGISTIQUES, LES ACTEURS DE LA VILLE SE PASSIONNENT POUR LA LOGISTIQUE URBAINE. UNE DISCIPLINE DANS LAQUELLE LE GRAND PARIS FAIT FIGURE DE TERRITOIRE PIONNIER.

PROPOS RECUEILLIS PAR BAPTISTE ROUX DIT RICHE



C’est tout simplement un record depuis la fin des années 90. En 2021, le marché français de l’immobilier logistique a enregistré près de 6,5 milliards d’euros d’investissements et connu une augmentation de la demande placée de 34 %. Une performance historique qui s’explique par la hausse du e-commerce (+ 15,1 % en France en 2021) et par la décision de nombreuses entreprises de relever leur niveau de stock pour répondre à leurs difficultés d’approvisionnement. De quoi imaginer un boom du développement des grands projets logistiques sur la Métropole du Grand Paris ? Paradoxalement non. L’Île-de-France n’accueille désormais plus de nouvel­les opérations logistiques de plus de 10 000 mètres carrés. « Il y a encore quelques années, certaines villes nouvelles de la région parisienne, comme Sénart, constituaient des destinations logistiques prisées. Aujourd’hui, c’est terminé », constate Laurent Sabatucci, directeur associé d’EOL, société spécialisée dans la transaction, le conseil en investissement et l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour l’immobilier logistique. « Il n’y a plus de foncier disponible à proximité de Paris et les élus ne veulent plus de grands entrepôts. D’ailleurs, les nou­velles règles sur l’artificialisation prévues par la loi Climat et Résilience devraient amplifier encore cette tendance. Les projets s’orientent donc vers des zones plus éloignées comme les agglomérations de Compiègne, Chartres, Orléans ou Rouen. »



Le Grand Paris, capitale de la logistique urbaine

Adieu donc les grands entrepôts dans le Grand Paris ? L’affaire est complexe mais la tendance se confirme pour l’ensemble des grandes villes mondiales : de plus en plus d’entrepôts s’implantent de plus en plus loin des villes… Entraînant dans leur sillage un mouvement à peu près contraire. C’est l’émergence de la logistique urbaine. Soit la création de projets plus compacts, plus agiles et plus durables pour livrer la ville et ses habitants. Sogaris en a fait sa spécialité. Cette société privée à capitaux publics est en effet à l’initiative de plusieurs projets emblématiques en la matière. Citons ici l’hôtel logistique mixte dans le quartier de Chapelle International (2018), l’espace P4 situé porte de Pantin (2020), le micro-hub du boulevard Beaumarchais (juin 2022) ou encore le pro­jet d’immeuble inversé rue du Grenier-Saint-Lazare (fin 2022). « L’immobilier de logistique urbaine, c’est de la dentelle. Tous les sites urbains sont uniques et méritent un traitement sur-mesure », explique Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris. « Les collectivités expriment un vrai besoin de donner une nouvelle vie à leurs quartiers, plus en phase avec les aspirations de leurs habitants pour une ville durable et apaisée. En même temps, les professionnels de la livraison ont besoin de lieux et d’infrastructures pour organiser la mobilité décarbonée des marchandises dans un contexte de forte croissance du e-commerce. La logistique urbaine répond à cette double ambition. » Gestion des flux, décarbonation des livraisons, mais aussi impact social, autant d’enjeux auxquels doit répondre Sogaris pour chacun de ses projets. Avec une bonne nouvelle : l’écosystème métropolitain dispose d’un savoir-faire reconnu sur ces sujets. « La Ville de Paris a très tôt saisi l’intérêt d’organiser ces flux par le dialogue avec les professionnels et la promotion de sites par un réseau immobilier pertinent et innovant. Aujourd’hui, les départements de la première couronne, la MGP - nouvel actionnaire de Sogaris - lui ont emboîté le pas, accompagnés par une détermination forte d’acteurs majeurs comme la Banque des Territoires ou encore Meridiam, qui vient d’intégrer le capital de Sogaris. Le secteur se structure, c’est un modèle assurément inspirant pour les autres métropoles », poursuit Jonathan Sebbane.

Ce savoir-faire national et local ne se limite pas à la dimension immobilière. Il concerne également les acteurs de la distribution. Dès le début des années 2010, le groupe La Poste s’est emparé de la théma­tique de la logistique en ville afin d’en faire un axe stratégique de développement. Son ambition ? Devenir un leader de la décarbonation du secteur. « Les collaborations avec la Métropole du Grand Paris sont solidement établies et confiantes », esti­me Guy-Pierre Sachot, directeur du déploiement de la logisti­que urbaine pour le groupe La Poste. « Nous nous sommes engagés, dès 2018, en tant que parte­naire du Pacte pour une Logis­tique Métropolitaine et nous nous sommes investis, parmi d’autres, dans la production de ressources pour les territoires. Nous avons participé activement aux échanges préalables à l’adoption de l’Acte 2 de ce pacte. Nous avons souhaité aller plus loin en nous dotant d’un plan d’actions concertées que nous nous engageons à conduire d’ici 2025. » À titre d’exemple, La Poste contribuera aux travaux de diagnostics préalables à la construction d’un référentiel réglementaire commun pour la métropole. Un sujet loin d’être anodin. Il s’agit, en effet, de permettre à chacun – entreprise, petit professionnel, particulier – de pouvoir continuer de se faire livrer demain au cœur des villes, malgré des réglementations Zone à Faibles Émissions,(ZFE) métropolitaine toujours plus exigeantes. La décarbonation oui, mais avec une haute qualité de service.


S’adapter à la ville et au marché

Espaces logistiques innovants au cœur des villes, nouvelles méthodes de livraison, entreprises pionnières et engagées… Tous les signaux semblent donc plaider pour une progression de la logistique urbaine dans la Métropole du Grand Paris durant les prochaines années. À condition que les acteurs conservent leur capacité à innover et à s’adapter aux contraintes. « Il y a indéniablement une forte demande actuellement pour la logistique urbaine. Cela dit, un modèle véritablement duplicable de site urbain logistique reste à inventer, nuance Laurent Sabatucci. À mon sens, il se présentera certainement sur plusieurs niveaux afin de proposer une plus grande surface et donc un plus grand volume d’activité. L’avenir de la logistique en ville passe par ce type de formats. » Être innovant et agile par rapport aux limites urbai­nes donc, mais aussi par rapport aux variations du marché. Après un fort emballement pendant et après la crise sanitaire, les indicateurs du e-commerce et de la logistique sont actuellement plutôt en baisse. Les acteurs du secteur s’accordent pour ne pas considérer ce ralentissement comme un coup d’arrêt. Il s’agirait plutôt d’un retour à la normale.



« IL Y A INDÉNIABLEMENT UNE FORTE DEMANDE POUR LA LOGISTIQUE URBAINE. CELA DIT, UN MODÈLE VÉRITABLEMENT DUPLICABLE DE SITE URBAIN LOGISTIQUE RESTE À INVENTER. »

LAURENT SABATUCCI, DIRECTEUR ASSOCIÉ D’EOL



UNE SOLUTION : LIVRER LA VILLE PAR LE FLEUVE

Parmi les nombreuses solutions d’avenir qui se dessinent pour livrer la ville autrement, celle du transport fluvial semble s’affirmer depuis quelques années. En avril dernier, la Métropole du Grand Paris - en partenariat avec les villes de Paris, de Rouen, du Havre, de Haropa Port et des Voies navigables de France (VNF) - a justement lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour développer la logistique fluviale sur l’axe Seine. Une initiative qui répond d’abord à des enjeux écologiques. « Sur l’ensemble de ce territoire, près de 85 % des matériaux et des marchandises sont transportés par camion. Peu polluant, le transport fluvial consomme cinq fois moins de carburant que le transport routier et émet jusqu’à cinq fois moins de CO2 à la tonne transportée », selon la MGP. Au-delà de cet aspect envi­ronnemental, le fluvial présente d’autres atouts. Il est plus économique à l’heure de la forte hausse du prix des carburants. Il est aussi plus fonctionnel. En effet, il permet de livrer des villes denses en évitant ou réduisant les embou­teillages. Des bénéfices qui ont d’ail­leurs déjà convaincu des acteurs franciliens de la grande distribution (Monoprix…) et du BTP (Bouygues Construction…) de lancer des projets pilotes de logistique fluviale. Ce récent appel à mani­fes­ta­­­­tion d’intérêt devrait permettre de renforcer cette dyna­mique en sélectionnant les idées les plus inno­­vantes autour de trois enjeux : l’identification des acteurs, l’émer­gen­ce de propo­si­tions inno­vantes, le soutien à la décar­bonation. Les résul­tats de la première phase de cet AMI sont attendus pour septembre 2022.

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