Imaginé, au départ, non pas comme un simple réseau de transport urbain mais comme un système reliant entre eux des principaux lieux de vie et d’activité de la région Île-de-France, trop éloignés les uns des autres, le projet du futur métro automatique – avant tout à impact économique – promet d’autres retombées bénéfiques pour la région et ses habitants.
Par Cyrille Lachevre
Quand, en 2009, Christian Blanc, alors secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale montrait en catimini à quelques rares élus le tracé du futur Grand Paris Express, il le disait très clairement : son projet était d’abord et avant tout économique. Avant même que des ingénieurs ne se penchent sur le détail du parcours de 200 km de lignes de métro rapide reliant 68 gares, l’ancien patron d’Air France avait dessiné, presque seul, les principales lignes avec une méthode très particulière. Il imaginait non pas un réseau de transport urbain mais un système reliant entre eux des pôles d’activité disséminés dans la région Île-de-France, autour de la Capitale. Christian Blanc était de longue date un converti à la politique des clusters américaine, dont le principe consiste à réunir sur un même lieu des entreprises (grandes et petites), un pôle universitaire et des laboratoires de recherche fondamentale autour d’une même thématique pour favoriser les échanges entre recherche théorique et application pratique. Appliqué à l’Île-de-France, le Grand Paris Express avait donc comme vocation première de relier le pôle que Christian Blanc considérait comme le plus important à ses yeux, le plateau de Saclay. Autres pôles formant l’ossature du « Grand Huit » : celui du Bourget, appelé à devenir un pôle d’excellence aéronautique ; de Paris Descartes, dédié au développement durable ; d’Ivry-Villejuif, à la santé ;tandis que la création serait réservée à Pleyel et que la finance se développerait du côté de La Défense. Au total, 9 clusters avaient été identifiés et « le développement de ces territoires stratégiques doit aller de pair avec celui d’un schéma de transport pour les relier, dans un horizon proche, afin de fluidifier les échanges »*.Présenté ainsi, le Grand Paris Express s’annonçait comme un formidable moteur de croissance.
Une fois ces principes posés, restait le plus difficile :convaincre les financiers – l’État en premier lieu – d’investir massivement dans ce projet avec la certitude que le développement économique qui en résulterait pourrait rentabiliser cette dépense de plus de 40 milliards d’euros. Une tâche presque aussi difficile que de creuser à 40 mètres dans les sous-sols franciliens !
Accélérer le « portage modal »
Pour y parvenir, la Société du Grand Paris a, dès le départ, créé un département d’études économiques rendant compte à un comité scientifique indépendant, chargé d’évaluer les bénéfices économiques et sociaux de ce projet. Mais ce département, économique lui-même, a toujours reconnu la difficulté de l’exercice tant ce type de recherche manquait de référentiel historique.
Que nous disent ces experts ? Que le Grand Paris Express va considérablement accélérer le « partage modal », c’est-à-dire la répartition des déplacements quotidiens sur l’ensemble de la région, réduisant considérablement la part de la voiture. Les déplacements quotidiens pourraient s’élever à près de 12 millions en 2030 comparés à 8,8 millions en 2015. Ces chiffres ont convaincu la Banque européenne d’investissement (BEI), la banque publique de l’union européenne, à financer la Société du Grand Paris à hauteur de 3,5 milliards d’euros concentrés principalement sur le soutien à la construction de la première phase de la ligne 15, une ligne orbitale d’est en ouest autour de Paris. « Le nouveau réseau améliorera la connectivité et l’accessibilité entre les villes voisines et vers Paris », rappelle-t-on à la BEI. « Le Grand Paris Express sera l’épine dorsale d’une stratégie de développement axée sur les transports pour catalyser le développement urbain durable. Cette stratégie comprend, par exemple, des projets de densification autour des nouvelles stations de métro. »
Mais les experts de la banque, très en pointe sur le financement de la lutte contre le changement climatique, insistent particulièrement sur un point : « Parmi les autres avantages économiques, on peut citer les effets externes, tels que la réduction des émissions de polluants, la diminution du nombre de décès dus à la pollution urbaine et l’atténuation du changement climatique. Une fois opérationnel, le projet devrait permettre de réduire les émissions de plus de 60 000 tonnes de CO2 par an en moyenne. »
Un impact significatif sur l’emploi
Autres effets attendus, le rééquilibrage entre pôles économiques avec l’émergence de nouveaux centres-villes en dehors des centres habituels. Dans le cas spécifique de Paris, extrêmement centralisé, cela permet d’envisager des déplacements banlieue-banlieue. Dit autrement, le fameux « Grand Huit » permettra de relier les bassins de main-d’œuvre situés à l’est de Paris aux zones économiques situées à l’ouest.
Le projet aura également un impact significatif sur l’emploi. Un rapport publié par des économistes de Sciences Po en 2017 évalue à 160 000 le nombre de nouveaux emplois créés lorsque les lignes seront terminées. Enfin, le Grand Paris Express pourrait entraîner une hausse de 15 % du nombre d’investissements étrangers directs qui auront eux-mêmes un effet positif sur la création d’emplois.
Quels effets au total sur le PIB de la région ? Les experts du comité scientifique se gardent bien de répondre, par prudence. Beaucoup prédisaient par exemple, au moment du lancement du chantier, que celui-ci amènerait naturellement la construction de 70 000 logements par an contre 45 000 auparavant. En la matière, avec un marché totalement à l’arrêt, l’objectif est loin d’être atteint !
* Jean-Claude Prager, Le Grand Paris Express, les enjeux économiques et urbains, Economica (p. 16).
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