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POUR UNE MÉTROPOLE POLYCENTRIQUE, PLUS DURABLE : JEAN-FRANCOIS MONTEILS ET STÉPHAN DE FAY

JEAN-FRANCOIS MONTEILS, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, ET STÉPHAN DE FAY, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE GRAND PARIS AMÉNAGEMENT, ÉCHANGENT LEURS POINTS DE VUE SUR LES ENJEUX DU GRAND PARIS ET LES OBJECTIFS ENCORE À ATTEINDRE POUR PLEINEMENT RÉUSSIR « LE CHANTIER DU SIÈCLE ».

PROPOS RECUEILLIS PAR LE MAG



Quels sont les enjeux de la fonction urbaine du réseau Grand Paris Express ?


Jean-François Monteils : Le Grand Paris Express est un acte de structuration de l’aire métropolitaine. Il s’agit de construire un réseau de transport public, reliant, en rocades, les territoires de la métropole entre eux sans passer par le centre de la Capitale. Ce nouveau réseau va offrir à des millions de Franciliens la possibilité de pouvoir circuler librement d’un point à l’autre de la métropole sans utiliser leur voiture. Mais le Grand Paris ne se limite évidemment pas à la réalisation d’un réseau de transport profondément ancré dans l’ambition environnementale. Ce qu’il prévoit, notamment autour des 68 futures gares, c’est le développement d’une métropole polycentrique, plus durable, équitable et pourvoyeuse d’innombrables potentialités pour chacun de ses habitants.


Stéphan de Faÿ : Il faut en effet toujours rappeler que le Grand Paris Express est bien plus qu’un réseau de transport car il dessine une véritable révolution – au sens premier du terme – du rapport des territoires desservis avec la Capitale. Pour l’heure, personne n’est à même de réellement appréhender à quel point cette révolution va transformer notre manière de vivre nos territoires. Peu de projets dans le monde ont une telle puissance transformatrice. Il est de notre responsabilité collective d’accompagner ces évolutions en préparant les territoires à en tirer pleinement parti, les futurs quartiers de gare dessinant les nouvelles portes d’entrée de territoires souvent inconnus de la plupart des Franciliens.


Dans le contexte de crise actuel, quelles sont les capacités de rebond de la métropole parisienne en matière de transformations urbaines ?


SdF : La métropole parisienne, tout à la fois, fascine et fait fuir. Elle est l’écrin de la Ville Lumière, mais certains de ses cadres, année après année, rêvent de la quitter pour des métropoles de province jugées plus vivables et surtout plus désirables. Pour nous tous, qui travaillons à accompagner ou provoquer les transformations urbaines de notre temps, ce constat est une puissante invitation à agir afin de recréer un « désir » qui s’enracine dans une réalité : celle d’une métropole au sein de laquelle chacune et chacun puissent véritablement s’épanouir. À ce titre, la revitalisation des centres-villes de première ou seconde couronne ou des centralités de l’espace rural francilien doit constituer une ligne directrice de l’action publique.


JFM : Il va falloir un immense effort collectif, qui ne se fera que sous l’impulsion des élus locaux et en lien permanent avec eux, pour réussir la transformation de la ville et donc pour améliorer la qualité de vie des habitants. Bien sûr, le nouveau métro va offrir des opportunités inouïes aux habitants et aux visiteurs en matière d’accès à l’emploi, aux infrastructures de soins, de loisirs et de culture. Mais ce n’est pas suffisant ! L’enjeu, c’est de refonder la ville, de la bâtir autour des 68 futures gares où le potentiel est gigantesque [ndlr : 30 millions de m2 pour 80 Mde d’investissement]. L’objectif est donc clair et nous pouvons y arriver si nous travaillons avec méthode et esprit de partenariat, comme la Société du Grand Paris le fait, par exemple, au sein des comités de pôles qui visent à faire émerger les 68 pôles intermodaux des places du Grand Paris Express.


Comment réussir, enfin, le Grand Paris du logement ?


SdF : Si vous relisez la loi du 3 juin 2010, dite du « Grand Paris », vous verrez qu’elle fixe un objectif, terriblement ambitieux pour l’époque, de construire 70 000 nouveaux logements par an. Avant la crise sanitaire, nous dépassions les 80 000 logements par an, et même sur une année hors norme comme l’a été 2020, le niveau de construction de logements (60 000) dépasse – et de loin – le niveau moyen constaté entre 2000 et 2010 (37 000 par an). Pour autant, ce seul regard quantitatif est trompeur, car il reste tellement à faire, à la fois pour loger les habitants d’une région toujours en croissance démographique, mais surtout pour permettre de créer des quartiers équilibrés et désirables, qui puissent réellement être des lieux d’épanouissement pour celles et ceux qui les habiteront.


JFM : Faire le Grand Paris du logement, c’est réussir à bâtir la métropole la plus écologique d’Europe. Ici, en effet, développement, logement et écologie se conjuguent. Reconstruire la ville sur elle-même, c’est limiter l’étalement urbain et participer à la lutte contre l’artificialisation des sols. L’urbanisme raisonné, planifié, organisé, c’est profondément écologique ; à l’inverse, l’urbanisme au fil de l’eau, qui advient sans vision d’ensemble ni organisation, conduit à un étalement urbain mortifère. J’insiste sur l’écologie car agir avec l’obsession de la protection de l’environnement conduit nécessairement à améliorer la qualité de vie et la cohésion sociale. Répondre à la fois à l’urgence climatique et à l’urgence sociale, c’est la vocation originelle du Grand Paris ! L’écologie passe ainsi du slogan à la réalité.


Quelles sont les composantes concrètes des zones d’aménagement du XXIe siècle ?


SdF : Pour répondre à cette question, regardons ce dont nous ne voulons plus : zones monofonctionnelles, incapables de s’adapter aux changements (d’usages, d’habitudes, climatiques…) de notre temps, qui font fi de l’histoire du lieu sous prétexte de « modernité », qui collectionnent les architectures plutôt que de susciter un esprit de quartier... Mixité, adaptabilité ou résilience, enracinement, harmonie des bâtiments et des espaces publics, place de la nature, capacité à aller à pied jusqu’à l’école de ses enfants, à la boulangerie, à un lieu de culture, à des espaces sportifs et, bien sûr, à une gare ou station permettant de se déplacer efficacement dans la région, voilà quelques-uns des ingrédients indispensables.


JFM : C’est une vision que je partage absolument. Pour élaborer, avec les élus, les futurs quartiers de gare, il faudra conjuguer mixités sociale et fonctionnelle, et travailler une intermodalité soignée qui fasse place à tous les usages en matière de mobilité et notamment les modes doux. Nous serons exigeants pour ce qui concerne les pieds d’immeuble, la proximité et la diversité des commerces, des services aux personnes. Nous serons à la hauteur de cette ambition si la ville que nous réalisons collectivement devient plus respirable et fluide, mais aussi plus

chaleureuse et humaine.


La construction d’infrastructures ou de logements est une industrie très polluante. Croyez-vous à la construction bas carbone ?


JFM : Construire une infrastructure lourde et souterraine n’empêche pas le volontarisme écologique. La Société du Grand Paris est déjà particulièrement exigeante sur ce point, notamment en étant le premier maître d’ouvrage de France à avoir eu recours au béton fibré, moins énergivore, mais aussi, pour un certain nombre d’usages, à des bétons bas carbone. Au fond, ce que nous voulons démontrer, c’est que la construction peut être durable et que c’est grâce aux innovations de ce type qu’une écologie des solutions plus que des contraintes permettra de répondre aux grands défis du XXIe siècle. C’est d’ailleurs un tout qui concerne la construction mais aussi la gestion des déblais et leur valorisation. Je partage l’idée que nous, maîtres d’ouvrage public, devons contribuer au développement de filières comme la terre crue ou le bois. En matière de développement urbain, aussi, les projets de la SGP seront volontaristes avec 40 % de bois ou matériaux biosourcés en surface de plancher et 70 % pour les intérieurs.


SdF : Je partage complètement ces convictions.

Aujourd’hui – dans le domaine de la construction –, le premier défi est de convertir massivement l’industrie à la construction hors site, qui est la seule qui permette de piloter et contrôler efficacement tant la qualité de ce qui est produit que son empreinte environnementale en ouvrant la porte à l’usage maîtrisé de matériaux plus vertueux. Ce qui est intéressant, c’est qu’une telle transformation est une source d’économies. Pensons que le secteur de la construction voit sa productivité se détériorer de manière constante depuis plus de 20 ans et que la situation était à peine meilleure les décennies précédentes.


En quelques mots, quel regard portez-vous sur l’association Acteurs du Grand Paris ?


JFM : L’ancienneté de son existence et le fait que cette association fasse la synthèse des volontés publiques et privées engagées dans la réalisation du projet en font un lieu précieux pour la réussite du Grand Paris.


SdF : Le Grand Paris est une œuvre collective, par le dialogue qu’il permet entre des acteurs privés et publics qui s’y investissent ; l’association joue un rôle essentiel dans sa construction.


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