CONSERVER L’ESTHÉTIQUE DE PARIS SANS EN FAIRE UNE VILLE MUSÉE, NE PAS OPPOSER TRANSITION ÉCOLOGIQUE DES VILLES ET QUESTION DU LOGEMENT… EMMANUEL GRÉGOIRE DÉCRIT LES LIGNES FORCES QUI GUIDENT L’ACTION MUNICIPALE, À LA RECHERCHE D’UN DIFFICILE ÉQUILIBRE. LE PREMIER ADJOINT D’ANNE HIDALGO REVIENT ÉGALEMENT SUR LE « BIG BANG » DE PROXIMITÉ, SOUHAITÉ PAR LA MAIRE DE PARIS, LES CONSÉQUENCES DE LA PANDÉMIE ET LA PLACE DE LA CAPITALE DANS LE GRAND PARIS.
PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES PAQUIER
Esthétique de Paris, plan local d’urbanisme bioclimatique, réaménagement des voiries, Paris a entrepris de multiples chantiers de transformation avec quelles lignes forces ?
Inscrire Paris dans la transition écologique constitue la priorité de notre mandature. Nous allons passer d’un plan local d’urbanisme à un plan local d’urbanisme bioclimatique et c’est un gros changement. Après la phase d’information préalable réglementaire, nous avons ouvert, le 12 avril, la première étape de la concertation. Jusqu’au 16 juillet, les habitants et les usagers de la Capitale – les Métropolitains notamment – ainsi que l’ensemble des institutionnels, associations et professionnels qui le souhaitaient ont pu se prononcer sur le diagnostic territorial établi avec l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur). Il permettra d’assurer la construction d’une ville plus inclusive, plus solidaire et plus durable face aux effets du dérèglement climatique. Parallèlement, avec Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la maire de Paris en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la vie étudiante, nous avons lancé les controverses urbaines, des grands débats universitaires avec des écoles françaises et internationales d’architecture et d’urbanisme. Nous prévoyons d’organiser une controverse par semestre. La première a porté sur le thème de la densité, autour de la question « Existe-t-il une densité idéale ? » et elle a jalonné la première grande phase de concertation, qui s’est déroulée le 15 juin dernier. Cet évènement traduit aussi notre volonté de mettre en valeur les travaux des étudiants et des chercheurs qui sont durement touchés par la crise sanitaire, sociale et économique.
Quant à l’esthétique du paysage parisien, il est un enjeu crucial pour le rayonnement de Paris et plus encore pour la qualité de vie des Parisiennes et des Parisiens. Il est essentiel de préserver l’esthétique parisienne ! Ce qui ne signifie pas pour autant verser dans un conservatisme qui pourrait, à terme, faire de Paris une ville musée alors qu’elle a toujours été, au contraire, une ville audacieuse sachant s’adapter aux défis contemporains. Le « Manifeste pour une nouvelle esthétique parisienne », que nous rendrons public à la fin de l’année, se composera de trois documents. Tout d’abord, nous publierons un ouvrage de référence sur l’esthétique parisienne, dans le cadre de l’exposition « La beauté d’une ville » au Pavillon de l’Arsenal (qui a ouvert ses portes le 27 mai). Ensuite, nous produirons deux documents : l’un sur la transposition de nos réflexions sur l’esthétique parisienne dans les documents réglementaires de la Ville – le PLU, le règlement étalages et terrasses, voirie, parcs et jardins ou encore le règlement local de publicité ; et l’autre proposera un référentiel d’actions pour notre administration dans tous nos domaines d’intervention : végétalisation, pistes cyclables, mobilier urbain…Plus concrètement, ce guide montrera à quoi devra ressembler un pied d’arbre, une bordure de trottoir, la végétalisation d’un îlot…
Comment concilier les impératifs de la transition écologique et du verdissement avec ceux de la construction de logements ?
Tout d’abord, je ne crois pas qu’il faille opposer d’une part la transition écologique des villes et la question du logement qui est en fait une question sociale. La lutte contre le dérèglement climatique nous oblige à une transformation radicale et nécessaire du paysage urbain qui est aussi en cours dans toutes les grandes métropoles mondiales. La végétalisation, la débitumisation et le développement des mobilités douces métamorphosent déjà le visage de nos villes. Finies les skylines composées uniquement de béton, de pierre et de verre. C’est tout notre imaginaire de la ville qui est en train de changer.
Le Pacte pour la construction représente une première étape. Il préfigure les grandes orientations du futur Plan local d’urbanisme bioclimatique et constitue un référentiel commun pour tous les acteurs de l’immobilier en les incitant à une approche plus vertueuse et citoyenne de la construction de logements. C’est une nouvelle façon de bâtir le Paris de demain autour de la végétalisation, de la sobriété énergétique et bas carbone. Paris a adopté un plan climat ambitieux. La rénovation du bâti – public et privé – doit répondre à notre objectif de trajectoire zéro carbone. Paris est à la pointe sur les sujets écologiques et nous devons nous montrer exemplaires en termes d’économie d’énergie.
Comment la crise de la Covid a-t-elle confirmé et accéléré votre mobilisation pour faire de la Capitale une ville résiliente ?
Cette crise aura été tellement dure et aura causé tellement de décès, de dégâts physiques et psychologiques sur le long terme ainsi qu’une telle explosion des inégalités qu’il est évident qu’il faudra saisir les opportunités qu’elle a générées. Nous avons tous vu collectivement émerger de nouvelles solidarités, de nouveaux usages, de nouvelles manières de travailler. La pandémie de la Covid-19 a aussi montré que la proximité était essentielle, que c’est à l’échelle de la ville du quart d’heure que nous devons penser nos politiques publiques. Nous devons penser dès maintenant le monde post-Covid et réfléchir au niveau mondial à la protection des écosystèmes et de la biodiversité, à la lutte contre les inégalités, à nos systèmes sanitaires. C’est d’ailleurs plus une nécessité qu’une opportunité.
La crise sanitaire de cette année confirme l’importance d’outils d’urbanisme à même de rendre les villes résilientes et de répondre aux nouveaux usages urbains largement développés lors du confinement du printemps 2020. La densité doit être réinterrogée, les distances domicile-lieu de travail repensées, les services de proximité favorisés et les mobilités durables encouragées.
Comment définiriez-vous la ville du quart d’heure ?
La ville du quart d’heure offre la possibilité aux Parisiennes et aux Parisiens d’avoir à proximité tout ce dont ils ont besoin dans leur vie quotidienne, notamment en termes de services publics : espaces verts, accès aux soins, espaces culturels, infrastructures sportives... Nous avons déjà engagé une phase pilote d’ouverture des cours de récréation des établissements scolaires les week-ends afin d’offrir de nouveaux espaces de respiration et de jeux aux enfants et aux familles. La ville du quart d’heure, c’est aussi un changement d’échelle dans la décision publique. Anne Hidalgo a annoncé un big bang de la proximité. Il s’agit d’un déploiement simultané de plusieurs réformes qui concourent par leur ampleur à transformer radicalement l’organisation de la ville. Recentrer l’action publique parisienne à l’échelle des arrondissements, c’est faire de la politique publique de proximité.
Quelle doit être selon vous, demain, la place de Paris au sein de la Métropole ?
Depuis près de 20 ans, la participation de la Ville à la construction de la Métropole repose sur un triptyque : coopérations bilatérales, coopérations multi-acteurs et construction d’une institution métropolitaine spécifique à la zone dense qu’est l’agglomération parisienne. Ces trois pans complémentaires forment le socle d’une gouvernance partagée, de l’espace de discussion et de délibération indispensable au développement du projet métropolitain. Aujourd’hui comme demain, l’enjeu pour la Ville de Paris est de poursuivre et renforcer son action métropolitaine volontariste, en assumant son rôle de ville-centre ouverte sur le territoire métropolitain dans une optique de rééquilibrage. Afin d’améliorer et de recréer les liens entre nos territoires, nous engageons des politiques de coopération avec de très nombreuses collectivités métropolitaines. En avril dernier, nous avons ainsi adopté cinq nouvelles conventions de coopération avec Saint-Ouen, Saint-Denis, Plaine Commune et le département de Seine-Saint-Denis. L’une d’elles porte spécifiquement sur la transformation du linéaire des portes entre Paris et Plaine Commune. Notre but commun est de faire de ces lieux de nouvelles destinations métropolitaines, où la frontière du périphérique s’efface peu à peu pour devenir un lien entre nos territoires. Nous travaillons aussi au devenir du périphérique dans sa globalité, avec l’ensemble des collectivités métropolitaines, dans le cadre des Ateliers du Périphérique dont le Livre Blanc paraîtra à l’automne 2021, donnant ainsi des perspectives de transformation opérationnelle pour les années à venir. Un travail partenarial de transformation est d’ailleurs déjà largement engagé sur la porte de la Chapelle, notamment dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Au lendemain de la crise sanitaire qui a frappé notre pays et plus encore les grandes métropoles, le Grand Paris s’impose de plus en plus comme la juste échelle pour améliorer la vie quotidienne de ses habitants, que cela soit en termes d’apaisement des mobilités, de renaturation et de préservation de la biodiversité, de qualité de l’air ou de droit au logement pour toutes et tous. La création de la Zone à faibles émissions métropolitaine témoigne de ce changement d’échelle indispensable et d’une mobilisation collective inédite pour la lutte contre les pollutions. Paris est une ville qui se doit d’être accessible, ouverte et accueillante pour l’ensemble des habitantes et des habitants de la Métropole du Grand Paris. Nous avons une responsabilité métropolitaine indéniable que nous assumons par un rôle extrêmement proactif dans la construction du Grand Paris.
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