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Le marché du logement neuf face à une crise conjoncturelle : Robin Rivaton

Robin Rivaton, essayiste, spécialiste du logement et directeur général de Stonal



Le secteur immobilier donne le sentiment d’être dans une forme de tension permanente. Depuis des années, les promoteurs comme la presse ou les think tanks parlent perpétuellement de la crise qui affecterait le secteur. La vérité est que nous sortons en fait d’une décennie exceptionnelle. Depuis 2011, le nombre de transactions n’a cessé de grimper passant de 800 000 à 1,2 million de ventes par an. La hausse des prix a été permanente et généralisée sur la totalité du territoire. Et jusqu’en 2017-2018, la construction neuve a progressé pour atteindre des sommets. Le secteur était loin d’être en crise.


Aujourd’hui, nous faisons face à une crise conjoncturelle sur le marché du logement neuf. Pas tant à cause d’un désintérêt de la part des ménages pour ce produit mais en raison d’une désolvabilisation concomitante de ses trois segments d’acquéreurs traditionnels. Les primo-accédants, qui ne revendent pas un bien immobilier pour acquérir leur nouvel appartement. Comme les investisseurs bailleurs qui achètent pour mettre en location se heurtent à la montée des taux d’intérêt qui dépassent le taux légal de l’usure. Le troisième pilier du secteur, les bailleurs sociaux qui réservaient une part significative des programmes d’immobilier neuf, fait lui aussi face à une hausse de leur coût du crédit qui est variable à travers le Livret A dont la rémunération est passée de 0,5 à 3 %.


Les mesures annoncées vont apporter un soulagement très limité aux ménages primo-accédants et ne vont pas enrayer les difficultés pour les promoteurs immo­biliers qui vont rester conservateurs dans le lancement de nouveaux projets. Eux, en général, doivent acheter des terrains deux ans avant de pouvoir lancer des travaux. Dans le contexte actuel, ils vont avoir du mal à convaincre des particuliers propriétaires qui n’ont pas de problèmes de liquidité de leur céder du foncier à un prix revu nettement à la baisse, car cela fait des années qu’ils ont vu les prix flamber. Le coût de la construction peut s’ajuster un peu plus rapidement que le prix du foncier, mais il ne faut pas en attendre de miracle. Nous sommes partis pour un creux d’une dizaine d’années. Quand les program­mes s’arrêtent, le secteur commence par ne plus recruter, puis il licencie. L’immobilier va perdre de la main d’œuvre et de l’expertise, pesant sur la capacité de redémarrage du secteur.


Le marché du logement neuf et le sort des promoteurs immobiliers peut sembler anecdotique, après tout, on ne parle que de 0,4 million de logements sur 36 millions, mais il a des effets de contagion. Les ménages qui ne peuvent devenir propriétaires restent locataires du logement qu’ils occupent déjà et ne libèrent pas la place pour les nouveaux ména­ges qui décohabitent, les étudiants qui quittent le domicile parental, les jeunes diplômés qui changent de bassin d’emploi ou les divorcés qui cherchent à se reloger. C’est peut-être un million de logements qui manqueront à terme.

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