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LE GRAND PARIS A BESOIN D’UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE, ET AU PLUS HAUT NIVEAU : THOMAS HANTZ


CONJUGUER PROFESSIONNALISME, INTÉRÊT GÉNÉRAL ET HUMANITÉ AU SEIN D’UNE ASSOCIATION RÉUNISSANT ACTEURS PUBLICS ET PRIVÉS DU FAIT MÉTROPOLITAIN, LE PARI ENGAGÉ EN 2011 PAR THOMAS HANTZ EST DÉJÀ LARGEMENT GAGNÉ. FACE À LA CONJONCTURE ACTUELLE, LE PRÉSIDENT D’ACTEURS DU GRAND PARIS ÉVOQUE LES ÉTAPES ENCORE À FRANCHIR POUR RELEVER LES DÉFIS AUXQUELS LA RÉGION CAPITALE EST CONFRONTÉE ET INVITE À RELANCER LA DYNAMIQUE DU GRAND PARIS DES PROJETS.

PROPOS RECUEILLIS PAR LE MAG.





Que retenez-vous de cette saison 2021-2022 qui marque la 11e année d’existence des Acteurs du Grand Paris ?

Après plusieurs années de montée en puissance, notre association amplifie ses activités au service de ses membres et de la construction du Grand Paris, tout en basculant dans l’ère de la professionnalisation. C’était notre enga­gement, il est tenu. Acteurs du Grand Paris est aujourd’hui le premier réseau public-privé de la Région Capitale, tant par le nombre de ses adhérents que par l’intensité de ses travaux. C’est le fruit d’un travail collectif des bénévoles du Bureau, du Conseil d’administration et de chacun de nos membres, qui partagent tous une même philosophie : entreprendre des choses importantes sans se prendre au sérieux, conjuguer professionnalisme, bienveillance et, on peut le dire, une certaine amitié.


Pouvez-vous en dire plus sur la professionnalisation de l’association ?

La professionnalisation, c’est donner un cadre structuré à nos actions qui, pendant les dix premières années, ont reposé exclusivement sur l’engagement bénévole de nos membres, sans local ni collaborateur. Nous nous sommes fait accompagner d’avocats pour fixer le cadre de notre développement, jusqu’à notre régime fiscal, puis nous nous sommes dotés d’un expert-comptable, d’un commissaire aux comptes et nous avons recruté Margaux Raggi, notre première collaboratrice. Parallèlement, nous avons renforcé notre partenariat avec le Crédit Agricole d’Ile-de-France. Grâce à la confiance du directeur général, Olivier Gavalda, et de son adjointe, Nathalie Mourlon, notre association bénéficie aujourd’hui d’un local professionnel à disposition de nos membres que nous avons baptisé cette année « La Maison des Acteurs du Grand Paris ». Dans les prochains mois, nous allons développer deux axes : optimiser la mise à disposition de ce lieu – qui a vocation à être le plus ouvert et utile possible – et identifier des opportunités pour accompagner de jeunes chercheurs sur la question du fait métropolitain. Ce faisant, nous respectons la trajectoire de développement à dix ans que nous nous sommes fixée.


Dans un contexte incertain, êtes-vous confiant quant à l’avenir du Grand Paris ?

La France est aujourd’hui le seul pays du monde démocratique à porter un projet d’une telle ambition dans un contexte normatif toujours plus contraignant et de montée en puissance des populismes. Les autres projets comparables sont portés par des pays autoritaires comme l’Arabie Saoudite, la Chine ou la Russie. Il faut donc nous réjouir et nous féliciter de voir la France relever un tel défi. Trop de gens ignorent que le seul volet transport de la modernisation de la Région Capitale représente près de 60 milliards d’euros d’investissements, 38 pour le Grand Paris Express et 20 pour la modernisation des réseaux existants. C’est colossal et cela préfigure les 80 milliards d’euros qui seront investis par les opérateurs privés pour le développement urbain et la création des centaines de milliers de logements qui font aujourd’hui défaut. Je ne parle même pas des investissements nécessaires à la transition énergétique des bâtiments existants dont l’Ademe et la Banque des Territoires sont des acteurs majeurs. Donc oui, nous sommes raisonnablement optimistes car, bien que nous soyons au milieu du gué, la dynamique est lancée pour faire de l’Île-de-France la première métropole mondiale en matière de lutte contre le réchauffement climatique.


Donc, tout est clair à l’horizon...

La dynamique est lancée, je l’ai dit, mais elle reste fragile, car les enjeux sont immenses. Pour réussir le Grand Paris des transports, il y a onze ans, il a fallu une véritable mobilisation générale, voulue et portée par le président de la République Nicolas Sarkozy et qui s’est réalisée dans l’accord État-Région-Collectivités du 26 janvier 2011. Le Grand Paris vit encore sur cette dynamique collective qui risque de s’essouffler. Les forces vives de la région ont besoin d’une volonté politique forte, et au plus haut niveau. C’est le moment de donner un nouvel élan au Grand Paris des projets et notamment de réussir le chapitre du logement qui est la priorité absolue.


Quel est votre regard sur l’organisation institutionnelle ?

Regardez le nombre de projets qui émergent malgré le contexte institutionnel, on y arrive ! Bien sûr, des optimisations seront utiles et elles sont attendues par la population. Mais notre association n’est jamais rentrée dans ce débat institutionnel. Au contraire, nous soutenons le Grand Paris des projets et nous sommes une véritable plate-forme de discussion à disposition de tous. Les collectivités sont nombreuses à être membres : région, métropole, ville de Paris, établissements publics territoriaux, communautés d’agglomération, grands syndicats... Toutes échangent, débattent au sein de notre association et contribuent à ses actions. Nous sommes aujourd’hui une institution autonome et connectée à son environnement, utile à toutes les bonnes volontés pour faire réussir le Grand Paris, dans l’intérêt de nos concitoyens.


La question des déficits publics est plus que jamais à l’ordre du jour. Comment réaliser les investissements nécessaires ?

Il est essentiel de revoir le mode de financement des infrastructures, ce n’est pas un sujet technique, c’est une priorité politique. L’urgence, c’est de mettre en œuvre tous les projets nécessaires à la transition écologique qui auront en outre des bénéfices socio-économiques majeurs. Seul le Grand Paris Express est aujourd’hui lancé, c’est indispensable mais pas suffisant. Pourquoi n’investit-on pas davantage en France ? En grande partie à cause des règles comptables qui veulent que les investissements soient comptabilisés de manière annuelle (l’année de la dépense) au lieu de les intégrer à un plan d’amortissement sur une longue durée comme n’importe quelle entreprise le fait ou même n’importe quel ménage ! Résultat : la dette maastrichtienne explose en mélangeant fonctionnement et investissement, mauvais et bon cholestérol. La solution dépend là encore d’une volonté politique : créer des sociétés sur le même modèle que celui de la Société du Grand Paris, c’est-à-dire des entreprises publiques dédiées à un projet et capables de lever de la dette pour le financer, sous contrôle de Bercy, en décorrélant leurs amortissements de la dette selon Maastricht.


Vous prônez donc une transition écologique fondée sur l’investissement et la croissance ?

Je l’ai dit et je le répète, nous croyons à une société de progrès où les solutions industrielles et technologiques permettent de conjuguer la protection de l’environnement avec le confort et la dignité de l’humanité. L’innovation, c’est de tous temps l’arme qui a permis d’affronter les crises et c’est ce qui place nos métropoles, lieux de la recherche par excellence, en première ligne de la lutte contre le réchauffement climatique. Face à l’épuisement des ressources naturelles, il faut désormais que la technique soit tout entière mise au service d’objectifs bienveillants en faveur de la planète et de ses habitants. « J’achète donc je suis », c’est terminé ! Et les enjeux culturels sont vertigineux pour réinventer l’accomplissement des Hommes dans une optique non marchande. L’écologie, c’est d’abord et avant tout redonner du sens à ce qui fait l’humanité tant sur le plan individuel que collectif.


Ne faut-il pas tout simplement ralentir ?

Il faut ralentir là où c’est nécessaire et accélérer là où c’est indispensable. La société algorithmique qui affaiblit l’altérité, où l’on ne fréquente plus que le clone de soi-même, et qui favorise le « tout, tout de suite » est l’ennemie de l’environnement comme de la dignité humaine dans sa dimension culturelle. Cependant, l’écologie punitive et décroissantiste est tout aussi funeste, autant que la culpabilisation à outrance de l’humanité. Pour rappel, l’Homme n’a aucune responsabilité dans la disparition de 99,99 % des espèces ayant un jour existé sur Terre et qui se sont éteintes depuis.

Les solutions sont partout autour de nous pour réussir ce défi du XXIe siècle. On le voit au sein de notre association, les entreprises et les institutions développent chaque jour des inno­vations en ce sens. Les solutions technologiques et les savoir-faire des entreprises témoignent de notre capacité à agir. Il faut donc créer un écosystème réglementaire favorable au déploiement des innovations à grande échelle et continuer à soutenir massivement la recherche dans des secteurs stratégiques où la France est en pointe, comme les graines dans l’agriculture, la gestion des eaux, les infrastructures bâtimentaires et de transport...


Tout cela ne va-t-il pas à l’encontre du principe constitutionnel de précaution ?

Jean-Pierre Riou, membre du collectif Science Technologies Actions, disait que « s’il devait s’appliquer à lui-même, le principe de précaution s’interdirait tout seul tant il est dangereux ». Le monde tend à l’hybridation, c’est-à-dire « au mariage improbable », selon la philosophe Gabrielle Halpern. Comment ne pas adapter le contexte législatif, règlementaire et normatif aux enjeux du XXIe siècle ? Du reste, cela fait des années qu’au sein d’Acteurs du Grand Paris, nous parlons d’hybridation. Notre asso­ciation étant elle-même une institution hybride croisant secteurs public et privé, et une multitude de domaines allant de l’investissement à la construction en passant par le facility management. Tout s’hybride. Les téléphones qui sont des télécommandes de services, les modes de consommation, les mobilités, les genres, les villes... Les tiers-lieux, tiers-usages, tiers-objets, tierces-économies sont autant de mondes qui s’ouvrent à nous. Des cantines qui deviennent des restaurants, des gares qui se transforment en musées, des crèches qui s’adossent à des maisons de retraite, le coliving, tout cela se développe où l’on partage une ou plusieurs pièces communes... Tous ces exemples illustrent trois défis déterminants. D’abord, la nécessité de toujours plus échanger, d’être ouverts. Ensuite, l’importance cruciale, pour les élus, d’être en prise constante avec ces mutations pour les comprendre et pour mieux décider. Enfin, l’enjeu de rendre la société plus agile, plus souple, plus adaptable, moins contrai­gnante et normative. Sur ces trois priorités, les Acteurs du Grand Paris seront au rendez-vous.




« LA DYNAMIQUE EST LANCÉE POUR FAIRE DE L’ÎLE-DE-FRANCE LA PREMIÈRE MÉTROPOLE MONDIALE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. »


« C’EST LE MOMENT DE DONNER UN NOUVEL ÉLAN AU GRAND PARIS DES PROJETS ET NOTAMMENT DE RÉUSSIR LE CHAPITRE DU LOGEMENT QUI EST LA PRIORITÉ ABSOLUE. »


« L’URGENCE, C’EST DE METTRE EN ŒUVRE TOUS LES PROJETS NÉCESSAIRES À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE QUI AURONT EN OUTRE DES BÉNÉFICES SOCIO-ÉCONOMIQUES MAJEURS. »


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