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LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS A GAGNÉ EN CRÉDIBILITÉ : JEAN-PHILIPPE DUGOIN-CLEMENT


SELON JEAN-PHILIPPE DUGOIN-CLÉMENT, PRÉSIDENT DE GRAND PARIS AMÉNAGEMENT, SI LA MÉTROPOLE A SU INVESTIR SUR DES SUJETS IMPORTANTS, IL LUI RESTE CEPENDANT À PALLIER CERTAINES DIFFICULTÉS INSTITUTIONNELLES SUSCEPTIBLES DE RALENTIR SON TRAVAIL DE RECOMPOSITION URBAINE.



Quel bilan tirez-vous des six premières années de la Métropole ?

Les premières années d’un objet institutionnel nouveau ne sont jamais évidentes. La Métropole du Grand Paris a rencontré deux difficultés majeures : la multiplication des strates institutionnelles, plus nombreuses que nulle part ailleurs en France, et la question de sa dénomination. Métropole du Grand Paris, Société du Grand Paris, Grand Paris Aménagement, Grand Paris Express, sans compter les agglomérations et établissements publics territoriaux qui comptent cette expression dans leur appellation. Difficile de s’y retrouver ! Néanmoins, la Métropole est parvenue à asseoir sa place à travers quelques dossiers lui ayant conféré une certaine visibilité : le concours « Inventons la Métropole » et la Zone à faibles émissions constituent deux sujets sur lesquels la structure a su investir. La Gemapi présente également un potentiel très fort. La Métropole a survécu au big bang des collectivités annoncé par le Président de la République fin 2017, ce qui n’était pas évident. Elle a de ce fait gagné en crédibilité.


Quel serait, selon vous, le scénario de réforme idéal pour un tel millefeuille ?

J’admets ne pas réussir à concevoir comment le gouvernement pourra engager des réformes qui ne soient pas absolument consensuelles pour tous au niveau local en l’absence totale de cohérence et de majorité nationale. Un problème de fond va se poser. Le gouvernement doit réussir à faire passer ses budgets et sa loi sur le pouvoir d’achat. Aller sur des questions lourdes, comme une réforme institutionnelle où il n’y a que des coups à prendre et à peu près autant d’avis que d’acteurs, j’avoue ne pas y croire sous cette législature. Je reste fondamentalement persuadé que l’Île-de-France présente trop d’échelons et que nous payons un manque de visibilité. La dualité entre les inter­communalités en petite couronne, les établissements publics territoriaux et la Métropole du Grand Paris est un véritable sujet. La question de la rationalisation se posera à un moment ou à un autre.


Quelles compétences vous apparaissent comme légitimement métropolitaines ?

La question qu’on peut se poser est très proba­blement celle de l’articulation et des transferts de compétences entre ce qui relève du bloc communal, une curiosité institutionnelle en soi, et la Métropole qui n’a pas vocation à aller sur des compétences de nature régionale comme le transport, le développement économique ou la structuration territoriale à l’échelon macro. Il y a des compétences qui n’ont pas de cohérence à la même strate.


Vous êtes à la fois président de Grand Paris Aménagement et de l’Établissement public foncier d’Île-de-France. Quel regard portez-vous sur les enjeux métropolitains comme la construction et le logement ?

Avoir beaucoup de niveaux sur des compétences totalement ciblées, comme cela est le cas avec les grands syndicats gérant l’assainissement, les déchets et l’eau, n’apparaît pas forcément gênant. Il n’y a pas d’émiet­tement desdites compétences. Le problème aujourd’hui tient à ce que plusieurs acteurs interviennent de manière croisée et successive sur un même dossier : forcément, les process s’en retrouvent ralentis. L’Île-de-France fait face à des enjeux majeurs en termes d’aménagement et d’offre de logements. Nous traversons une crise sans précédent qui frappe en premier les populations fragiles : plus d’un million de personnes sont mal-logées aujourd’hui sur le territoire francilien ! Les enjeux que nous portons collectivement, avec des complexités profondément différentes entre la petite et la grande couronne, sont d’assurer le devoir moral et social de loger chacun dignement et de maintenir une région dont le niveau de développement économique tire le pays vers le haut. Patrick Ollier en parle très justement : l’Île-de-France représente 31 % du PIB national. La Métropole est une locomotive ! Nous avons l’obligation de continuer à avancer en réinventant les modes d’aménagement de la ville. Ce travail de recomposition urbaine n’est pas le même en Seine-et-Marne ou au sud de l’Essonne que dans le secteur dense, mais il nous appartient. La ville constitue un objet mouvant, vivant. Le jour où elle n’évolue plus, elle tombe.


Que pensez-vous des récentes propositions des promoteurs du Grand Paris, qui visaient notamment un PLU capable de s’imposer face aux maires et une trajectoire plus lisible vers le zéro artificialisation nette ?

Accélérer les procédures face au refus d’un maire quant à un permis est une chose. Augmenter les pénalisations financières devant un recours abusif ne me choque pas. Mais quand un maire s’oppose totalement à un projet, c’est en général parce que les habitants de sa commune en font autant. « Si le peuple vote mal, il faut dissoudre le peuple. » Cette première proposition revient à dire cela. Étant profondément attaché à la démocratie, j’y suis donc fermement opposé. D’un point de vue pratique, cela conduirait en outre les élus à verrouiller leur PLU. Concernant le ZAN, les règles ne sont pas les mêmes en Île-de-France qu’ailleurs. Flécher davan­tage permet de travailler sur les droits à construire. La question de la densification est un sujet sur lequel on doit s’engager politiquement. En parler n’est acceptable que si cela apporte en qualité de vie et en services publics. Promouvoir de la densification quand les services publics reculent depuis des années est incompatible pour les citoyens. En dehors de cela, les zones d’activités économiques constituent, selon moi, un chantier colossal. Ces ZAE représentent 32 000 hectares en Île-de-France dont 70 % sont dégradés, obsolètes ou condamnés à l’être d’ici vingt ans. Ce potentiel d’espaces, souvent bien raccordés aux transports, est aujourd’hui tota­lement artificialisé et sous-utilisé en termes de densification. Il s’agit, à mon avis, du plus gros sujet de recomposition urbaine de ces prochaines années.



« LA MÉTROPOLE A SURVÉCU AU BIG BANG DES COLLECTIVITÉS ANNONCÉ PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FIN 2017... » « LES ENJEUX QUE NOUS PORTONS COLLECTIVEMENT (...) SONT D’ASSURER LE DEVOIR MORAL ET SOCIAL DE LOGER CHACUN DIGNEMENT ET DE MAINTENIR UNE RÉGION DONT LE NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TIRE LE PAYS VERS LE HAUT. »

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