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LA FABRIQUE DE LA VILLE À LA CROISÉE DES CHEMINS

ENJEUX CLIMATIQUES, LEÇONS DE LA CRISE SANITAIRE, FRILOSITÉ DES MAIRES À DENSIFIER LEUR COMMUNE, ZÉRO ARTIFICIALISATION DES SOLS, RECONSTRUCTION DE LA VILLE SUR ELLE-MÊME, PLU BIOCLIMATIQUE… L’AMÉNAGEMENT URBAIN VIT UNE PÉRIODE DE TRANSITION AUSSI BRUTALE QUE TOTALE.

PAR FABIENNE PROUX



Certes, les prémices des évolutions étaient déjà engagées avant l’arrivée de la Covid-19, mais la pandémie et ses conséquences sur la vie des urbains ont accru la prise de conscience que le modèle métropolitain actuel était loin d’être parfait et ont donc accéléré lacadence du changement. Même la mixité des usages, star éphémère des appels à projets urbains innovants, est abandonnée au profit de la flexibilité des bâtiments favorisant les mutualisations et le partage des locaux.


Sous la pression de leurs administrés de plus en plus réticents face à l’arrivée de nouveaux programmes immobiliers, les majorités élues en 2020 ont déjà engagé un virage consistant soit à annuler des projets, soit à les revoir à la baisse, au grand dam des promoteurs. Si leur modèle économique s’en trouve fragilisé, puisqu’une opération avec moins de logements est forcément moins rentable et d’autant moins en Île-de-France où le foncier est particulièrement onéreux, ces derniers mettent aussi en avant le risque de pénurie de logements, alors que la demande reste très soutenue.


Quelles réponses apporter à ces injonctions contradictoires ? Comment tirer profit de l’existant pour limiter l’empreinte carbone du secteur du bâtiment, l’un des plus émetteurs de CO2 ? Quel modèle trouver pour loger les Franciliens à des conditions financières acceptables tout en réduisant l’étalement urbain et en permettant à la région de rester attractive ? Les pistes de réflexion ne manquent pas et les initiatives commencent même à être lancées pour tester de nouvelles façons de faire la ville. L’ordre des architectes d’Île-de-France (Croaif) a ainsi constitué dès 2020 une Alliance des professionnels de l’urbanisme et de l’immobilier du Grand Paris*, pour « concevoir ensemble et avec les pouvoirs publics des solutions inédites qui mobilisent les savoir-faire de chacune de nos professions en faveur de la transition écologique et de la relance sur le territoire », rappelle Fabien Gantois, nouveau président du Croaif.


353 projets d’aménagement autour des gares du GPE


Mais l’une des ruptures les plus radicales est probablement la démarche engagée par la ville deParis pour se doter d’un PLU bioclimatique d’ici à 2024, le document actuel ne permettant pas d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il faudra bien la durée du mandat pour atteindre cet objectif visant à inscrire la Capitale dans une « trajectoire de transition écologique ». Inclusive, durable, vertueuse, résiliente, décarbonée, attractive, productive et actrice de la métropole, la ville se met au vert dans toutes ses dimensions. En matière de bâti, les orientations visent à privilégier la réhabilitation de l’existant, telle la transformation de locaux d’activité en logements (thème de « Réinventer Paris 3 »), intégrer dans les programmes des « externalités positives » ou encore utiliser les matériaux biosourcés. « Ce positionnement est très novateur », convient Madeleine Masse, architecte urbaniste, directrice déléguée territoires et clients publics- privés Île-de-France chez Arep. « Il n’est plus seulement question de réglementation du bâti ou de volumétrie, mais aussi de savoir comment on intègre dans cette réglementation la question de la matière, de l’énergie, en bref tous les leviers à utiliser pour répondre à l’acceptabilité de vivre dans une métropole très dense, très mobile et vivante. » C’est tout l’enjeu, à Paris bien sûr, mais aussi en petite et moyenne couronnes où l’arrivée des 68 gares du Grand Paris Express (GPE) ajoute encore une donnée supplémentaire à l’équation. Plus de 353 projets d’aménagement sont recensés dans ces 68 secteurs dont le périmètre est fixé à 800 mètres autour des futures gares. « Cela représente plus de 32 millions de mètres carrés programmés, dont environ 20 millions restent à bâtir », précise l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme).


Vers le zéro artificialisation brute


Des projets à manier toutefois avec précaution et surtout anticipation, car « ces gares vont créer de l’affluence, de l’inflation foncière, de la construction et donc des coûts pour la collectivité en termes d’équipements publics à construire (écoles, crèches, etc) », alerte Maurice Sissoko, directeur général de Citallios. Aussi, plusieurs aménageurs publics préconisent de mettre en place des périmètres d’aménagement suffisamment larges autour de ces gares pour maîtriser la qualité et la cohérence des constructions mais aussi les problématiques de stationnement.

L’aménagement du quartier Atlantis à Massy est, selon Willem Pauwels, « la préfiguration » de ce que vivront les quartiers de gare du GPE. « Nous avons su esquisser un montage de façon à transformer un quartier d’une centaine d’hectares en autre chose qu’un parc d’activités », fait valoir le directeur de Paris Sud Aménagement, « et ainsi réussi à créer un lieu de vie assez intense, hybride et multiple (palais des congrès, cinéma, commerces). »

Véritables nœuds intermodaux, ces nouveaux quartiers sont en effet « au cœur de la mobilité et de la desserte des territoires, c’est donc là où il faut construire, car ils sont une réponse à la décarbonation des mobilités », confirme Madeleine Masse, préconisant par ailleurs d’aller au-delà du ZAN (zéro artificialisation nette) et d’abandonner le principe de compensation pour tendre vers le zéro artificialisation brute, c’est-à-dire de « sanctuariser » les terres non encore artificialisées.


* L’APUI-GP a été créée avec la Fédération des promoteurs

d’Île-de-France, la Chambre des Notaires de Paris et la FNAIM Grand Paris.


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