« PLUS D’UNE CENTAINE DE MAIRES, D’ÉLUS LOCAUX ET D’INSTITUTIONS S’ACCORDENT ET TRAVAILLENT ENSEMBLE POUR QUE CE MOMENT EXCEPTIONNEL QUE SONT LES JEUX PUISSE ACCÉLÉRER LES TRANSFORMATIONS DONT LE TERRITOIRE MÉTROPOLITAIN A BESOIN », SE FÉLICITE EMMANUEL GRÉGOIRE, DANS UNE INTERVIEW AU MAGAZINE D’ACTEURS DU GRAND PARIS. LE PREMIER ADJOINT À LA MAIRE DE PARIS JUGE QU’UNE SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE S’IMPOSE PAR AILLEURS ET QUE LES COMPÉTENCES DE LA MÉTROPOLE DOIVENT ÊTRE RENFORCÉES, NOTAMMENT EN MATIÈRE DE TRANSPORT.
PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES PAQUIER.
Quel bilan dressez-vous des 6 premières années de la Métropole du Grand Paris ?
La création de la Métropole du Grand Paris (MGP) en tant qu’institution en 2016 a été l’aboutissement d’un long processus de débats et de travail pour faire émerger un début de culture commune. Vous savez, nous partons de très loin. Suite au démantèlement du département de la Seine en 1968, Paris et ses voisins n’avaient pas de culture commune du faire-ensemble et le dialogue était quasiment inexistant. C’est à l’initiative de Bertrand Delanoë, en 2001, que les liens ont été rétablis avec les premières réunions métropolitaines. De la création de Paris Métropole en 2009 jusqu’aux lois Maptam et NOTRe en 2014 et 2015, nous avons réussi à faire émerger une institution, certes imparfaite, mais qui traduit notre ambition et notre volonté communes. À titre personnel, je m’en félicite. Au cours des dernières années, et particulièrement durant la crise sanitaire, la Métropole a su être efficace. Nous avons voté un plan de relance de 110 millions d’euros en mai 2020 pour soutenir le tissu économique local sans oublier d’agir pour la transition écologique du territoire grâce au développement des mobilités douces et le déploiement du plan vélo métropolitain.
L’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 doit être notre grand projet commun pour les prochaines années. Plus d’une centaine de maires, d’élus locaux et d’institutions s’accordent et travaillent ensemble pour que ce moment exceptionnel que sont les Jeux puisse accélérer les transformations dont le territoire métropolitain a besoin. La Métropole du Grand Paris est d’ailleurs maître d’ouvrage du Centre aquatique olympique et de la ZAC Plaine Saulnier. Ces deux sites seront reconvertis après les Jeux pour offrir un équipement sportif d’ampleur à Saint-Denis ainsi qu’un nouveau quartier au bord du canal et aux portes de Paris. Certes, nous ne sommes pas d’accord sur tout. Mais nous avons réussi à créer un cadre de travail commun avec la gouvernance partagée. Des élus de tous les groupes politiques sont présents dans l’exécutif métropolitain et œuvrent au service du même projet. C’est assez rare pour être souligné et la récente adoption du Schéma de cohérence territoriale (SCoT) est l’illustration que ce travail paye. La Métropole est une institution très jeune, qui doit encore monter en compétence. Il est essentiel de se fixer collectivement de nouveaux objectifs pour la construction métropolitaine.
« L’INSTABILITÉ ÉCONOMIQUE ACTUELLE CONCERNANT LA MÉTROPOLE ET LES EPT REPRÉSENTE UN FREIN POUR METTRE EN ŒUVRE DE VÉRITABLES POLITIQUES PUBLIQUES AMBITIEUSES. »
Quel est votre scénario de réforme institutionnelle idéal ?
L’enchevêtrement actuel en Île-de-France est une parfaire illustration du « millefeuille administratif français ». Je ne crois pas au grand soir de la révolution institutionnelle, mais une clarification est indispensable. La MGP doit être pleinement reconnue comme notre maison commune, le lieu où les maires agissent ensemble, en laissant au vestiaire les effets de posture. La Métropole n’a que 6 ans, elle est jeune mais elle avance. Comme toutes les autres grandes métropoles françaises, il faut qu’elle gagne en capacité d’action et en visibilité. Je ne pense pas qu’il y ait un scénario magique mais l’évolution institutionnelle devra se faire. S’il doit avoir une réforme, il faut que les élus locaux soient impliqués dans cette évolution, capable de s’adapter à la réalité du terrain et de répondre aux attentes des Grandes Parisiennes et des Grands Parisiens. Un point essentiel devra être abordé : c’est la question financière. Aujourd’hui, la situation n’est satisfaisante pour personne. L’instabilité économique actuelle concernant la Métropole et les EPT représente un frein pour mettre en œuvre de véritables politiques publiques ambitieuses face aux défis auxquels nous sommes déjà confrontés : la transition écologique et la crise du logement.
« CHAQUE JOUR, 1 MILLION DE FRANCILIENS VIENNENT TRAVAILLER DANS PARIS ET 300 000 PARISIENS FONT LE CHEMIN DANS L’AUTRE SENS. »
Selon vous, quelles compétences exercer au niveau métropolitain ?
La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et la Métropole doit être le fruit d’une concertation avec les élus locaux. Pour ce qui est des compétences que la Métropole exerce, elles répondent à des enjeux dont le traitement fait sens à l’échelle du territoire métropolitain. Il n’est plus possible d’agir efficacement si on le fait tout seul. La transition écologique et l’adaptation au dérèglement climatique doivent nous guider. Un grand nombre de communes du Grand Paris agissent à leur échelle, comme Paris le fait déjà beaucoup. Je suis convaincu que la Métropole doit jouer un rôle d’accompagnement et de coordination plus fort. Le SCoT va dans ce sens en matière d’aménagement et de santé environnementale, le plan biodiversité également. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur la question de l’énergie et évidemment des transports. Je suis convaincu que la Métropole devra voir ses compétences considérablement renforcées en matière de mobilités. Soit en devenant autorité organisatrice des transports de second rang, soit en siégeant au Conseil de surveillance de la Société du Grand Paris au même titre que les départements et la Région. La question du logement est cruciale. Les enjeux sont immenses et ne peuvent pas se régler à l’échelle des communes. Si la Métropole est fondée à exercer la compétence logement, elle ne l’exerce pas encore de manière effective en l’absence de Plan métropolitain de l’Habitat et de l’Hébergement (PMHH). Comme pour le SCoT, c’est un document qui mérite un important travail de fond et de concertation, qui a été engagé et que je soutiens. Nous ne parviendrons pas à résoudre seuls les défis qui sont face à nous : le besoin de nouveaux logements, le rééquilibrage territorial de l’offre sociale, le développement d’une offre de logement abordable et la nécessaire rénovation énergétique des bâtiments demandent un effort massif et collectif.
Quelles seraient, pour vous, les priorités de l’agenda métropolitain au cours des prochains mois, des prochaines années ?
Il faut travailler à la construction d’une identité métropolitaine. Combien d’habitants de la Métropole se revendiquent comme tels ? Pourtant la Métropole est un espace vécu au quotidien. Chaque jour, 1 million de Franciliens viennent travailler dans Paris et 300 000 Parisiens font le chemin dans l’autre sens. Le Grand Paris, dans la vie des gens, il est déjà là. Il nous faut accompagner cette prise de conscience. C’est sur le champ de la culture que l’identité métropolitaine émergera. La culture doit être au cœur de notre action. La culture illustre le potentiel du Grand Paris : ce foisonnement fabuleux de créations, d’architecture nouvelle, de patrimoine protégé et d’histoire commune. Le Grand Paris grandit Paris. Aujourd’hui, le potentiel culturel de la Métropole est sous-exploité. Combien de Parisiens ont visité le Mac Val ? Ou la Basilique de Saint-Denis ? Il y a un sujet auquel je tiens particulièrement : l’esthétique de la ville. Le Grand Paris, ça ne peut pas être Paris en plus grand. Il faut inventer la couleur propre du Grand Paris, construire une grammaire urbaine commune aux territoires de la Métropole. Les transformations viennent d’en bas, à nous d’appuyer la scène culturelle émergente, qui se joue des frontières, qui révèle les nouveaux territoires. Ensuite, il y a des occasions à ne pas perdre. Il faut que nous nous saisissions, avec les élus et les acteurs associatifs, de la mise en œuvre du plan vélo métropolitain pour inventer une identité métropolitaine.
« IL FAUT INVENTER LA COULEUR PROPRE DU GRAND PARIS, CONSTRUIRE UNE GRAMMAIRE URBAINE COMMUNE AUX TERRITOIRES DE LA MÉTROPOLE. »
Quel rôle doit jouer la Métropole en matière de logement, d’urbanisme, d’aménagement ?
La Métropole ne s’est pas encore dotée de PMHH, alors que nous sommes au-devant d’une crise du logement sans précédent dans le Grand Paris et en France. Nous avons besoin de construire vite et bien. C’est-à-dire qu’il faut répartir l’offre de manière plus équilibrée qu’aujourd’hui sur le territoire métropolitain. C’est pour moi l’autre priorité métropolitaine. La Métropole joue un rôle de coordination en termes d’aménagement grâce au SCoT et va bientôt se saisir de l’enjeu du logement. Certaines opérations d’urbanisme, déclarées d’intérêt métropolitain, sont également sous maîtrise d’ouvrage de la Métropole du Grand Paris, à l’instar de Livry-Gargan ou de Villeneuve-la-Garenne. Ces premières opérations devront en amener d’autres car de nombreux projets urbains ont vocation à constituer de nouveaux quartiers d’envergure métropolitaine. À Paris, nous regardons l’opportunité d’un transfert de maîtrise d’ouvrage sur certaines de nos opérations d’aménagement situées à proximité du périphérique. Il faut que ces futurs aménagements soient à la hauteur des défis sociaux et environnementaux actuels, les citoyens nous le demandent. La dernière édition de l’appel à projets « Inventons la Métropole du Grand Paris 3 » incite à la transformation de bureaux en logements et à la reconversion des friches. Ces dynamiques doivent se poursuivre pour construire la Métropole sur elle-même afin de lutter contre l’étalement urbain et les inégalités.
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