L'attractivité de la place financière de Paris au Zénith
- timotheedulud
- 13 déc. 2024
- 4 min de lecture
Si le Brexit a donné une nouvelle impulsion aux activités financières parisiennes, la capitale française a également su tirer son épingle du jeu et répondre aux attentes des acteurs de la finance. Mais attention au risque d’une réduction de l’offre de bureaux dans Paris intra-muros que ne compensera pas la forte vacance sur le reste de l’Île-de-France.
Par Fabienne Proux.

Sans nul doute, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne en janvier 2020 a conforté la place financière de Paris. Entre fin 2017 et fin 2022, toutes activités financières confondues, plus de 20 000 emplois y ont été créés dont plus de 6 000 directement liés au Brexit. Depuis, « la conjoncture reste très favorable à Paris », convient Jean-Charles Simon, délégué général de l’association Paris Europlace, qui compte désormais 650 adhérents d’origine géographique et de métiers de plus en plus différents.

Jean-Charles Simon, délégué général de l'association Paris Europlace
« Paris a été choisie plus que d’autres villes de l’Union européenne », confirme-t-il. Certes, Francfort, Amsterdam, Dublin ou Luxembourg ont également renforcé leur position, mais Paris a su tirer son épingle du jeu en qualité de place généraliste. Ainsi, certains acteurs ont développé leurs effectifs de façon massive, à l’instar des cinq plus grandes banques américaines (JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Citybank et Bank of America), tandis que des nouvelles institutions s’y sont implantées, parmi lesquelles des fonds souverains, dont le singapourien Temasek (264 milliards d’euros) qui a célébré en avril dernier l’ouverture de son antenne parisienne avenue de l’Opéra, son deuxième bureau après Londres, pour développer ses activités en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
Privilégier « les quartiers d’affaires les plus prestigieux »
Cette montée en puissance se traduit aussi par un excédent qui a augmenté de près de 3 milliards d’euros fin 2023 (pour atteindre environ 6 milliards d’euros) des échanges de services financiers entre la France et l’étranger. « C’est une très bonne nouvelle que cette balance soit devenue excédentaire, alors que la ba- lance commerciale en biens de la France est, elle, très déficitaire », note Jean-Charles Simon, insistant sur la bonne position de la France en matière d’investissements directs étrangers, notamment en provenance des États-Unis et d’Asie. Encore faut-il savoir satisfaire leurs attentes, notamment immobilières, sachant que 90 % des emplois créés dans la finance au cours des cinq dernières an- nées l’ont été à Paris intra-muros. « Il est important que les acteurs de la finance puissent trouver des locaux à de bonnes conditions et qu’ils puissent évoluer dans l’environnement le plus propice pour eux », rappelle le délégué général de Paris Europlace, « préoccupé » par le futur PLU bioclimatique que Paris doit adopter fin 2024.
C’est surtout la disposition du document sur la mixité fonctionnelle qui nourrit cette inquiétude, car elle pourrait contribuer à réduire l’offre de bureaux dans des quartiers d’affaires pour y accroître la part de résidentiel. « Dans un contexte de tension, sachant que les usagers disent avoir des difficultés à trouver des bureaux et que les loyers sont élevés dans le quartier d’affaires de Paris, la perspective d’une contrainte supplémentaire sur le bureau dans la Capitale nous semble très problématique, souligne Jean-Charles Simon. Nous mettons en garde la Ville de Paris sur le fait que les emplois récemment créés par les acteurs de la finance peuvent être facilement délocalisés dans d’autres capitales européennes. » Car pas question pour ces derniers de se tourner vers la périphérie parisienne. « Les métiers de la finance recherchent des bureaux dans les quartiers d’affaires les plus prestigieux », assure Jean-Charles Simon, déplorant « l’absence d’écoute de la Ville de Paris ».
Londres et Paris : les plus attractives
Un manque de dialogue d’autant plus inquiétant que la situation du bureau en Île-de-France ne cesse de se complexifier. En effet, si le taux de vacance moyen y est de l’ordre de 8,8 %,il dépasse à peine les 4 % à Paris et atteint 15 % à La Défense, voire plus de 20 % en première couronne nord. « Avec près de 5 millions de mètres carrés vacants, l’écart entre l’offre immédiate et les transactions est le plus élevé observé en Île-de-France, y compris pendant la crise des années 90 », observe Christian de Kerangal, directeur général de l’IEIF (Institut de l’Épargne Immobilière et Foncière), estimant entre 10 et 12 millions de mètres carrés de bureaux qui pourraient se libérer d’ici 10 ans.

Christian de Kerangal, directeur général de l'IEIF
« On arrive au bout de la tertiarisation de l’économie », poursuit-il. Le phénomène est à la fois démographique, avec un ralentissement de la croissance de la population active avant une baisse à partir de 2040, et lié aux nouveaux usages dont le télétravail. Depuis la crise sanitaire, les entreprises se recentrent vers les quartiers les mieux connectés pour attirer les talents et faire revenir les collaborateurs au bureau. La tendance à la recentralisation s’observe aussi dans les principales capitales européennes, de même que la frilosité des investisseurs à placer leurs ressources dans les actifs immobiliers devenus beaucoup moins attractifs avec la hausse des taux. « Les investisseurs ne reviennent pas encore vers l’immobilier car la correction des prix n’est pas terminée et du fait qu’il existe d’autres alternatives, comme les placements monétaires ou les obligations », précise Christian de Kerangal. Toutefois, si la reprise est plus rapide dans les pays anglo-saxons, et notamment à Londres où la baisse des valeurs a été plus forte et plus rapide, Londres et Paris restent les deux villes les plus attractives.
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